Trainspotting est un film culte. En compagnie de Pulp Fiction et de Fight Club, il s'agit du long métrage qui caractérise le mieux les années 90 dans sa façon d'électrocuter les standards en place. Seulement oser penser en composer un second tome est un sacrilège. Cela n'a pas empêché Danny Boyle de le faire. Le résultat est loin d'être mauvais même s'il n'est évidemment pas du même calibre que son prédécesseur.
L'introduction sur fond de musique techno et la première demi-heure laissent pourtant présager le pire. Le cinéaste semble se pasticher avec sa réalisation empesée, son montage mécanique, ses gags qui tombent à plat et sa propension à vouloir donner un destin à chaque personnage. Le délicieux accent écossais n'est plus aussi truculent et même les choix sonores ne sont pas à la hauteur. Du film le plus attendu de l'année, on s'en va droit vers la plus douloureuse déception de 2017.
Conscient que ce projet s'avère une mission impossible, le réalisateur opère un changement à 180 degrés qui a rarement été vu dans une suite. T2 sera une méditation sur le premier Trainspotting, plagiant ses moments les plus mémorables, créant un mythe supplémentaire autour de ce succès surprise. Le retour de Renton (Ewan McGregor) à Édimbourg auprès de ses amis n'est finalement qu'un prétexte à une réflexion sur le temps et les conséquences de ses gestes. Change-t-on réellement? Et si la vie ne faisait que se répéter?
En réduisant son rythme à néant, en allongeant encore et encore son récit déjà mince, le metteur en scène risque de se mettre à dos les fans de la première heure. Il a toutefois le mérite d'essayer des choses et de développer un climat doux-amer de mélancolie et de nostalgie. Si on se serait passé de toutes ces ellipses vers l'enfance qui ne sont là que pour émouvoir et humaniser, le jeu sur la mémoire opère allègrement. Ce sentiment de perte porte à la fois sur l'époque en place, mais également sur la jeunesse disparue et sur toutes ces reprises trop souvent sans âme qui polluent au cinéma. Recréer la magie est impossible et T2 le comprend parfaitement.
Ewan McGregor renoue avec le rôle le plus emblématique de sa filmographie, lui qui en avait tant besoin. En voilà un qui aurait pu être le plus grand acteur de sa génération avec ses compositions magnifiques dans The Pillow Book et Moulin Rouge. Son immense talent a été terni par sa participation à Star Wars et il n'a plus jamais atteint la même aura depuis. Même constat pour Danny Boyle qui a commencé sa carrière coup sur coup avec Shallow Grave et Trainspotting, des joyaux de comédie noire. Sauf que depuis deux décennies, il ne fait qu'errer et malgré des projets satisfaisants et des Oscars, l'inspiration des débuts n'y est plus.
Le duo a beau sembler fatigué, on le retrouve comme des comparses d'enfance. C'est tout de même de l'inoubliable Renton dont il est question, de Sick Boy (Jonny Lee Miller) qui prend une place démesurée, du pauvre Spud (Ewen Bremner) qui n'a jamais fait de mal à une mouche et de l'enragé Begbie (Robert Carlyle) qui est plus psychopathe que jamais. Un quatuor que l'on se plaît à revisiter et que même un nouveau et banal personnage (interprété par Anjela Nedyalkova) ne vient pas totalement entacher.
C'est là où réside tout le charme relatif de T2. Le film nous pousse à nous replonger dans nos souvenirs pour nous rappeler comment le premier Trainspotting était une création qui a marqué au fer blanc toute une génération de cinéphiles. Ce ne sera pas le cas de celui-ci, qui ose néanmoins des choses inédites pour une suite, même s'il le fait un peu n'importe comment avec son mélange d'humour et de tristesse. Le risque d'être déçu était si grand que c'est déjà un exploit d'en ressortir relativement de bonne humeur.