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Beau à regarder.
Ce film est le parfait spécimen cinématographique d’une œuvre où l’aspect visuel phagocyte est tellement réussi qu’il phagocyte le reste. Tout autant magistrales que travaillées et maîtrisées, les images prennent le pas, voire occultent, un fond qui n’est pas du même acabit et laisse à désirer. Le propos et le déroulement du film souffrent en effet de scories empêchant une totale réussite. « We ha dit coming » entend nous parler de la condition de la femme dans nos sociétés actuelles à travers la traque d’un proxénète par une jeune femme dont la sœur se prostituait et qui s’est suicidée. A lire ce résumé succinct, on pourrait penser à un thriller avec une toile de fond sociale. Néanmoins, le traitement du sujet est excessivement minimaliste et, si le message passe, il manque de nuances. Quant à l’aspect suspense, il est complètement absorbé par la forme irréprochable mais maniérée. En somme, le long-métrage est beau à se damner mais niveau tension c’est zéro et le message féministe est martelé de manière trop manichéenne. Entre un violeur, un petit ami violent ou un pervers narcissique dangereux, la gente masculine n’est pas montrée sous son meilleur jour et ressemble à une compilation de pervers. En revanche, le choix de ne jamais montrer à visage découvert les hommes du film, de les laisser dans l’ombre est assumé et pertinent. Ils en sont réduits à des ombres prédatrices qui rôdent autour de leurs victimes créant un sentiment diffus de danger grâce à la suggestion. Un peu excessif, radical et sans concession comme constat pour les hommes mais c’est un parti pris assumé. En revanche, ce qui est sûr avec ce second long-métrage après un premier plutôt expérimental, c’est que Paul Barbeau sait filmer. Les images de « We had it coming » sont très travaillées et semblent sortir d’un clip. Le cinéaste magnifie des lieux à priori banals et pas vraiment beaux tels que des motels en bord de route, des stations-essence ou encore des terrains vagues par des éclairages et la manière de placer sa caméra. Il multiplie les plans de coupe qui flattent l’œil, notamment sur les grandes routes canadiennes, ce qui peut passer pour du remplissage surtout pour un film court comme celui-ci (moins d’une heure et demie). Mais c’est somptueux. Ses plans sont souvent fixes mais toujours beaux comme si sa caméra cherchait à embellir constamment la laideur du réel. Une bande sonore froide, métallique et angoissante à la « Blade Runner 2049 », sinistrement belle, où on sent un important travail sur le son ajoutent à la maîtrise formelle de l’ensemble et au climat anxiogène du sujet. Tout cela participe à faire de cette œuvre un bijou formel à l’ambiance angoissante, triste et désespérée. Le rythme est très plat mais cette atmosphère hypnotique fait passer la pilule avec brio. Il est clair que l’intrigue bien trop lâche, quasiment absente même, les errances sibyllines des personnages et la fin très abrupte peuvent perturber et rebuter. Il faut donc prendre « We ha dit coming » comme une œuvre d’art, agréable à l’œil et envoûtante, mais dont le sens reste accessoire et secondaire au risque de s’ennuyer. Dans tous les cas, elle révèle un réalisateur doué.
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