Pour le meilleur et pour le pire, Eternals de Chloé Zhao est une production d'infinies contradictions, certaines venant renforcer les nombreux thèmes explorés à travers le récit, d'autres ne faisant tout simplement aucun sens.
Il s'agit également d'un drôle de projet pour amorcer l'ère de l'après Saga de l'Infini. D'un autre côté, Eternals sert surtout à introduire de nouvelles idées et de nouveaux personnages, à repousser encore davantage les limites scénaristiques du MCU et à étaler un discours clair, net et précis sur la façon dont le studio désire procéder pour la suite de cette longue et fructueuse aventure cinématographique.
Mais autant Eternals a de grandes ambitions, et ce, aussi bien sur le plan de la forme que du fond, autant l'équipe de production prend trop peu de risques pour aller au bout de celles-ci.
Pour un (très) long métrage s'étalant sur près de 160 minutes et revisitant quelque 7000 ans d'Histoire à travers le regard de personnages immortels envoyés sur Terre afin de protéger et de faire progresser la race humaine, Eternals semble parfois même gaspiller tout le temps qui lui est alloué.
Si le choix de Chloé Zhao (Nomadland) pour mener le projet à terme pouvait déjà paraître inhabituel, c'est certainement l'apport de cette dernière qui confère au film ses plus belles qualités.
Le rythme plus posé et la mise en scène plus léchée et réfléchie sont définitivement les bienvenus. La réalisatrice démontre même quelques aptitudes étonnantes durant les scènes d'action, beaucoup plus structurées et lisibles que les séquences hyperactives auxquelles les productions du genre nous ont habitués au cours des deux dernières décennies.
Mais même si elle nous offre son lot d'images spectaculaires, la vision de Zhao a malheureusement ses limites, et finit par devenir redondante. On ne compte plus, par exemple, le nombre de fois où elle fait prendre la même pose forcée à ses personnages après une série de gestes héroïques.
Si Eternals demeure exécuté de manière tout à fait compétente, il y a malheureusement peu d'éléments marquants ou mémorables qui ressortent du lot.
L'ensemble est d'autant plus miné par un montage ne faisant pas très bon usage de ses constants allers-retours sur la ligue du temps du récit, exposant davantage les failles de celui-ci plutôt que d'en nourrir les forces.
Ayant également la tâche non négligeable de devoir introduire plus de dix nouveaux personnages à l'écran, le scénario réussit étonnamment à développer chacun d'entre eux de façon satisfaisante, même si le périple menant à leurs retrouvailles est, lui aussi, quelque peu fastidieux.
Ces derniers seront ultimement confrontés à un dilemme existentiel de taille, ainsi qu'à une menace cataclysmique qui les forcera à prendre une décision qui pourrait avoir des répercussions sur l'univers tout entier. Mais pour des êtres ayant été témoins des accomplissements les plus importants tout comme des conflits les plus dévastateurs de l'être humain, toutes ces expériences et ce bagage de vie inusité se font rarement sentir dans leur comportement respectif et dans leurs prises de décision.
C'est d'ailleurs un problème de plus en plus récurrent dans les nouvelles productions des studios Disney, le discours et la morale passant de plus en plus avant la logique du récit.
Quand un personnage finit par se « canceller » lui-même, le film témoigne bien de son époque, mais va aussi à l'encontre de tout ce qu'il a souligné à gros traits pendant 156 minutes sur les qualités de la race humaine.
Il y a définitivement une bien meilleure histoire qui se cache dans Eternals que celle qui nous est racontée, notamment par rapport à l'empreinte laissée par les protagonistes à travers le temps sur l'Histoire, les mythes et la culture populaire des différentes nations. Mais comme bien d'autres choses, ces éléments sont bien mentionnés, mais développés qu'en surface.
L'intention d'aller à contre-courant du modèle traditionnel des productions Marvel demeure tout à fait louable. Mais au final, les efforts sont trop concentrés ici à paver la voie pour l'avenir, plutôt qu'à investir le spectateur dans le moment présent.