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Amour et nostalgie en diamant brut.
Le dernier film de François Ozon est très personnel. C’est un fait et il doit y avoir beaucoup de lui et de son vécu dans cette romance gay adolescente. Souvent comparé à tort à « Call me by your name » ou aux cinémas de Dolan ou d’Honoré, cet « Eté 85 » est plutôt un teen movie à la sauce française auquel le brillant cinéaste injecte sa patte si singulière. Le mélange des genres entre comédie, romance, récit initiatique et un brin de suspense fonctionne à merveille et ne ressemble à pas grand-chose de connu. C’est la force du cinéaste de savoir se frotter à beaucoup de genres, et la plupart du temps avec brio. Et ici c’est un véritable enchantement, le genre de moment de cinéma intime et généreux que l’on voudrait garder rien que pour soi tellement il résonne en nous. La fibre mélancolique fonctionne à plein régime durant une heure et demie. Cette œuvre restera peut-être comme une œuvre mineure dans la filmographie d’Ozon mais, à l’instar de « 5x2 » ou « Jeune et jolie », peut-être l’une des plus fortes et belles.
Ozon n’a pas son pareil pour filmer ce genre de rencontre entre deux personnes. Certaines séquences sont envoûtantes et hypnotiques au possible et la beauté des images doublées à une bande originale aux petits oignons nous emportent totalement. Le cadre de la petite ville du Tréport durant les années 80 est parfaitement rendu et costumes et décors sont impeccables, confirmant une direction artistique toujours maniaque et recherchée chez le réalisateur. A la fois doux comme une caresse et cruel comme un coup de griffe, le film s’apparente à un rêve empreint de nostalgie, en mémoire d’une époque révolue et disparue que l’on voudrait retrouver. Les thèmes chers au cinéaste sont bien présents de l’amour contrarié à la mort en passant par la puissance des sentiments et la notion d’identité. Très sensuel quand il filme les corps qui s’étreignent et le désir naissant, le film sait être aussi lumineux comme un coucher de soleil estival lorsqu’il s’attarde sur l’ambiance de cité balnéaire durant l’été. Mais lorsque le récit se fait plus sombre et côtoie la mort par instants, le trouble nait tout aussi magnifiquement. Comme lors de cette euphorie sépulcrale durant la magnifique scène de danse sur une tombe enrobée musicalement par le « Sailing » de Rod Stewart.
La réussite de cette parenthèse enchantée n’aurait pas été aussi évidente sans une interprétation sans faille. Ozon sait choisir ses comédiens, même débutants, et il le prouve ici une nouvelle fois. Le duo d’acteurs dont il s’en entiché est en osmose totale et s’avère époustouflant de naturel et de charme. L’inconnu Félix Lefebvre fait ses premiers pas sur grand écran de manière royale tandis que Benjamin Voisin confirme qu’il développe un sacré charisme de film en film. Un charisme qui risque de l’emmener loin. Les seconds rôles ne sont pas en reste et on retiendra les excellentes Valeria Bruni-Tedeschi et isabelle Nanty, dans des rôles de mères poules diamétralement opposées. Il y a beaucoup de vérités dites dans les dialogues et beaucoup d’entre nous se reconnaîtront dans cette histoire d’amour adolescente, peu importe leur sexualité. Les répliques sont d’une justesse incroyable et sentent le vécu dans le bon sens du terme. Et de ce diamant brut tantôt sombre tantôt lumineux se dégagent quelques scènes iconoclastes et drôles parfaitement solubles dans l’ensemble (la scène de travestissement). « Eté 85 » est un film beau et fort dont on ressort chamboulé et les yeux embués par la beauté des sentiments révélés.
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