Depuis plus de quatre décennies, Robert Guédiguian pratique un cinéma humain, social et politique, porté par des idéaux qui forcent l'admiration. Avec Et la fête continue, le cinéaste de 70 ans signe un de ses meilleurs films.
Il campe l'action de son 23e long métrage dans sa terre de prédilection : à Marseille, auprès de la diaspora arménienne. Pendant que maman (Ariane Ascaride) cherche à faire de la politique en prenant soin des moins nantis, ses fils s'occupent en tenant le bar familial ou en pensant partir panser l'Arménie en guerre. Puis il y a un homme à la retraite (Jean-Pierre Darroussin) qui débarque en ville pour se rapprocher de sa fille et qui trouvera l'amour là où il l'attend le moins...
Difficile de résister à ce beau film touchant et romanesque qui semble sorti d'une autre époque: celle où l'on pouvait aborder des sujets sérieux au cinéma. L'oeuvre ne manque pas de thèmes importants comme l'engagement, la transmission et la filiation. De quelles façons peut-on terrasser les doutes du quotidien? Comment poursuivre le combat dans un monde qui change constamment et où les partis de gauche sont incapables de s'allier? En rappelant la nécessité de lutter, ensemble, pour le bien commun. Des idées qui étaient également au coeur du réjouissant Vers un avenir radieux de Nanni Moretti.
Sans doute que Guédiguian n'est pas le réalisateur le plus subtil. Son récit pourrait paraître lourd, didactique et démonstrateur à ses heures. Il ne manque cependant pas de conviction et d'authenticité dans sa façon de tâter l'âme humaine, de palper la conscience de ses êtres avec précision et mélancolie. De l'humour et de la tendresse, il y en a à revendre au menu.
Sa mise en scène pourrait paraître vieillotte et accessoire. Pourtant, son récit choral carbure au charme et à la fluidité, alors qu'il y intègre des rêves et des monologues intérieurs de son héroïne. Comme dans son précédent Twist à Bamako, il fait appel au conte. Cela s'entend non seulement dans le ton et la musique, mais également dans sa façon d'utiliser l'espace public. La rue se transforme ainsi en un théâtre où émotions et joutes oratoires sont déclamées.
Depuis ses premiers longs métrages, le cinéaste engagé fait toujours appel à la même famille de comédiens (Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin) tout en s'ouvrant à la nouvelle génération (avec l'apport de Lola Naymark, Robinson Stévenin et Grégoire Leprince-Ringuet). Les acteurs, complices, s'amusent à donner vie à ces personnages, qui sont plus ou moins étoffés selon leur importance.
Les plus intéressants demeurent ceux campés par Ariane Ascaride et Jean-Pierre Darroussin. Leur chimie fait des merveilles - il s'agit sans aucun doute de la plus belle histoire d'amour du créateur depuis son légendaire Marius et Jeannette - et le scénario sensible rappelle qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire. Autant pour nouer une relation sentimentale que pour souligner l'importance de la musique, de la littérature. L'effort devient ainsi une ode à la culture tout autant qu'à la solidarité et à la bienveillance.
Comment survivre à l'effondrement, au vide intérieur? En enseignant la liberté. Voilà une des maximes de ce film charmant, attachant et pertinent qui rappelle que rien ne finit et que tout, au contraire, commence.