Le nouveau film de Léa Pool en est un particulièrement touchant et déchirant. Impossible de rester insensible à l'intensité de l'interprétation des comédiens, au traitement intelligent et juste de sujets tabous et à la réalisation sensible de Léa Pool.
Inspiré du roman éponyme de Sophie Bienvenu, le film dépeint l'histoire d'une adolescente délinquante du nom d'Aïcha qui s'éprend d'un jeune homme ayant deux fois son âge. Bien que ce dernier s'efforce de lui faire comprendre qu'une relation amoureuse entre eux est impossible, Aïcha n'arrive pas à l'oublier. Elle est complètement obnubilée par le beau joueur d'accordéon.
Sophie Nélisse est époustouflante dans le rôle principal. Bien que la narration intradiégétique nous paraisse d'abord mécanique, on finit par s'y habituer et apprécier cette interaction particulière entre la protagoniste et nous. Il faut dire que la jeune femme s'adresse à une caméra placée dans une salle d'interrogatoire dans un poste de police. Tout au long du film, le spectateur cherchera à comprendre pourquoi l'adolescente s'est retrouvée dans un tel pétrin. Aïcha répond aux questions d'une enquêteuse, mais le public n'entend que les réponses; une technique qui agace au début, mais qui finit par devenir captivante.
Le personnage d'Aïcha n'en est pas un facile à aimer. Elle ment, fait des crises de colère injustifiées et emploie un langage ordurier, mais la talentueuse comédienne arrive à infliger une fragilité à son alter ego qui finit par amadouer le public.
« Je voudrais être la pute d'un seul client » - Aïcha
Sa soeur, Isabelle Nélisse, est aussi attendrissante dans le rôle d'une Aïcha plus jeune et fragile. Il faut voir cette scène entre Karine Vanasse, qui interprète sa mère, et elle dans la voiture pour comprendre ce dont est capable l'actrice de 13 ans. Évidemment, Vanasse livre aussi une performance prenante dans le rôle d'une mère désemparée, à court de ressources. Mention spéciale aussi à Jean-Simon Leduc à qui le public s'attache d'emblée et dont l'interprétation, humaine et tempérée, vient nuancer l'ensemble de la production.
Grâce à un montage acéré et des textes mordants, la réalisatrice parvient à transformer ce drame en un suspense. À certains moments, notamment dans le dernier tiers du film, on s'étonne de se tenir au-devant de notre siège, inquiets du sort de l'héroïne. Les 91 minutes que dure ce film s'envolent en un éclair. Le spectateur est fasciné par cette adolescente rebelle et mythomane (on ne sait jamais quand elle ment et quand elle dit la vérité) étranglée par un amour impossible et un passé trouble.
Léa Pool a réussi un tour de force en nous livrant une oeuvre sensible, intense et décapante qui marque les esprits. L'amour c'est aveugle, ça fait mal... et c'est con.