Ésimésac est très près de Babine au niveau du ton et de l'atmosphère - évidemment, puisqu'il se déroule dans le même village de Saint-Élie-de-Caxton, lieu de naissance et inspiration du conteur Fred Pellerin, qui est lui-même l'inspiration pour les deux films -, mais il s'en éloigne tout de même, en ce sens qu'il a la plupart de ses défauts mais qu'il ne conserve que bien peu de ses qualités. C'est sévèrement exprimé mais c'est le seul constat possible à la vue de ce film confus, incongru narrativement et mou sociologiquement.
Là où Babine était une fable hors du temps où tout était possible, où les références littéraires trouvaient des échos subtils qui leur donnaient un nouveau sens, Ésimésac est trop près de l'actualité pour se blottir dans un univers qui lui soit propre. Chaque ligne, chaque jeu de mots est un commentaire sur un sujet d'actualité qui prend parfois des allures de sermon social; il ne s'agit pas de négliger ici que Fred Pellerin s'inspire du contexte social dans ses spectacles, mais de souligner que dans un contexte de cinéma, lorsque les mots ne sont pas les seuls émetteurs de sens, une phrase comme « On mange de la misère » paraît forcée, misérabiliste et laisse dubitatif.
D'autant que, alors que Babine était tourné dans un studio - où l'aspect « fabriqué » le plaçait encore une fois hors de tout réalisme et hors du temps - Ésimésac est tourné en extérieur, où les paysages d'automne rappellent vaguement la réalité. Ce tournage en extérieur n'est même pas exploité pleinement par le réalisateur Luc Picard, qui se contente de filmer en gros plan des acteurs qui ne sont pas à leur meilleur. Le nouveau venu Nicola-Frank Vachon semble parfois perdu, sans repères, trop dans l'attente de moteurs à un récit qui prend du temps à cerner son sujet et qui se perd dans diverses élucubrations futiles (dont une absurde partie de dames). Ses co-vedettes plus expérimentées ne se sortent pas nécessairement mieux d'affaires.
Il ne faudrait cependant pas trop jeter le blâme aux comédiens, qui sont souvent réduits à débiter des gags grivois peu subtils et une panoplie de doubles-sens sexuels, ce qui s'avère rapidement insignifiant. Les quelques moments de « magie » visuels, dont une scène d'amour métaphorique particulièrement étrange (!!) et une finale au symbolisme ambigu, ratent eux aussi leur cible en s'étirant inutilement. Presque toute la première partie du film, alors qu'on s'affaire à bâtir un jardin et à déterminer qui est l'homme fort du village, reste sans écho dans la deuxième partie, qui aborde des enjeux complètement différents.
Quel est donc le problème d'Ésimésac? La simplicité de la « morale » est franchement décourageante; comme si la naïveté des personnages expliquait qu'on fasse passer à travers l'écran des leçons digne de la maternelle sur des questions économiques et sociales. La réalisation est souvent grossière et les effets spéciaux très moyens. Mais ce qui fait véritablement défaut, c'est une unité de ton, ce qui doit - et devrait toujours - provenir du scénario. Ici, on a apparemment voulu tout dire en même temps.