Ernest et Célestine sont de retour au cinéma avec Le voyage en Charabie, une fable intelligente et divertissante qui ne possède toutefois pas le charme de leur précédente aventure cinématographique.
Issus de l'imagination de Gabrielle Vincent, Ernest et Célestine sont les héros de livres qui ont marqué des générations d'enfants. Des personnages irrésistibles, des scénarios riches en émotions, des images simples et magnifiques à la fois : tout était là pour laisser des souvenirs impérissables aux petits comme aux grands. Et que l'on retrouvait également sur le superbe long métrage de 2012, lauréat du César du meilleur film d'animation.
L'ours Ernest et la souris Célestine sont plongés dans une nouvelle escapade rocambolesque, alors qu'ils tentent de réparer un violon en Charabie, un endroit où la musique est interdite et les lois bien absurdes.
Étrangement, la magie n'opère pas de la même façon dans cette création qui visuellement, respecte l'univers de Gabrielle Vincent, en évoquant parfois même certaines toiles de peintres. Les dessins sont jolis, limpides et enchanteurs, d'une profonde sensibilité. N'importe qui voudra aller s'y perdre.
C'est plutôt du côté de l'histoire que le film piétine quelque peu. Malgré la présence de trois scénaristes et de thèmes importants comme la censure, la tolérance, l'exil et la liberté d'expression, le récit fait du surplace et se répète, se voulant moralisateur à ses heures. Dommage qu'on n'a pas à nouveau fait appel à Daniel Pennac, dont le précédent conte s'avérait bien supérieur à cette intrigue classique.
Le voyage en Charabie manque surtout de poésie et de lyrisme, ce qui fait souvent toute la différence. Les influences d'Hayao Miyazaki et du Roi et l'oiseau sont absentes et il n'y a rien pour combler ce vide. Le tout a été remplacé par de nombreuses scènes d'action trépidantes, dont quelques-unes forcent l'admiration. Ayant fait leurs armes au petit écran (justement sur une série télé à l'effigie d'Ernest et Célestine), les cinéastes Julien Chheng et Jean-Christophe Roger sont en terrain connu, offrant un long épisode plus que compétent.
La musique demeure d'un grand pouvoir d'évocation, devenant métaphoriquement le sujet de l'ouvrage. Bien qu'elle soit interdite en Charabie, on la retrouve partout à l'écran, séduisant par des mélodies que n'aurait pas reniées Emir Kusturica. La plus belle séquence de l'effort est une poursuite effrénée qui, en recourant à une vue aérienne, prend la forme d'une véritable clef de sol.
Puis il y a le duo en place qui opère à plein régime. Se fait-il des personnages plus irrésistibles que Célestine et attendrissants qu'Ernest? Ensemble, ils peuvent tout se permettre, même à faire de la désobéissance civile. Leurs doubleurs s'en donnent à coeur joie, particulièrement Lambert Wilson en ours trognon.
Amusant du début jusqu'à la fin, Ernest et Célestine: Le voyage en Charabie manque simplement de personnalité pour le rendre unique. Le cachet authentique du premier volet a disparu, remplacé par un produit de qualité plus générique, qui sait égayer, mais sans surprendre outre mesure. Personne ne demandait aux auteurs de bouleverser le concept en place (contrairement au travail d'un Guillermo del Toro sur Pinocchio), seulement d'offrir un résultat moins conventionnel.