Fort de sa Palme d'Or (une première pour un film français en vingt ans), Entre les murs arrive au Québec avec une forte réputation. Chauvins comme souvent, certains Français en ont fait l'écusson d'une fierté retrouvée après ces vingt années de sécheresse dans leur forteresse, Cannes, et sa Croisette. On a donc monté en épingle la rumeur pour un film qui est, en effet, un rigoureux travail de vérité, brillamment réalisé au demeurant, mais qui aborde son sujet mollement et sans vraie conviction. À force d'être délicat et compréhensif des opinions et des différences entre les humains qui sont les personnages du film de Laurent Cantet, Entre les murs ne s'avère pas être l'inspiration espérée. Le film est palpitant à voir, plus cinématographique certainement que bien des drames conventionnels; c'est déjà ça, certes, mais c'est tout.
Enfermés dans cette cours d'école bétonnée, dans le bruit incessant du vingtième arrondissement de Paris, les étudiants de François, professeur de français, arrivent en classe pour la première journée d'école. De nationalités diverses, les élèves s'interrogent d'abord sur les prénoms proposés par leur professeur dans les exemples et se disputent sur qui est le meilleur joueur de foot. Puis, plus l'année avance, plus les questions sont complexes : qu'est-ce qu'être un vrai Français?
Les adolescents présentés ici ne sont pas qu'irrespectueux et arrogants, ils sont aussi profondément ignorants. Or, cela ne signifie pas qu'ils soient sans talent pour autant, mais le film - qui emprunte cette voie un instant pour l'abandonner aussitôt - ne semble pas s'en apercevoir. Au lieu de suivre la piste de l'autoportrait, qui était si habilement amenée et tellement chargée dramatiquement, le film dévie et s'écarte de cette étude de moeurs aux prétentions réalistes pour devenir punitif, pour s'inscrire comme un agitateur qui pose un dilemme moral : doit-on, au moment d'imposer une punition, tenir compte des conséquences qu'elle entraîne, considérant aussi que la punition est elle-même une conséquence? Mais cette question, irrésoluble, risque de bien moins enflammer les causes sociales, françaises ou québécoises, que d'autres (par exemple : « que doit-on vraiment apprendre aux gens : quelque chose ou comment l'apprendre? » et l'odieuse « qui doit-être éduqué? »).
François Bégaudeau, qui a écrit le livre dont est tiré le film et qui joue son propre rôle (comme bien des élèves, cela dit, mais pas les principaux), n'a pas la vivacité d'esprit suffisante pour enseigner à ses élèves la seule chose primordiale à l'éducation : la curiosité. Si le film voulait être le constat de son échec, c'est réussi. La caméra de Cantet film avec une telle rigueur, une telle perspicacité que certaines scènes sont de véritables exploits lorsque prises en dehors de la trame du film. Le vrai ne fonctionne pas même si Entre les murs en a toutes les apparences, simplement parce que le montage (qui choisit les « meilleurs » moments d'une supposée observation) force une dramatisation qui n'était pas nécessaire et qu'on croyait hors des préoccupations du film.
En restant au-dessus de ces préoccupations primaires du cinéma, Entre les murs aurait été un véritable film d'exception. Il n'est qu'un magnifiquement travail subtil de captation; d'abord les images, toutes utiles, et puis la transmission, l'inter-influence qui fait des relations interpersonnelles l'une des parties les plus importantes de la vie et dont la transmission du savoir et des valeurs est le point central. À la sortie du film pourtant, le spectateur ne gagne pas autant que les personnages.
À force d'être délicat et compréhensif des opinions et des différences entre les humains qui sont les personnages du film de Laurent Cantet, Entre les murs ne s'avère pas être l'inspiration espérée. Le film est palpitant à voir, plus cinématographique certainement que bien des drames conventionnels; c'est déjà ça, certes, mais c'est tout.
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