Lorsque le civisme vient à manquer, il y aura toujours le cinéma pour le restaurer... par l'horreur et la force, si possible! C'est ce que nous apprend Unhinged en rappelant quelques fondements importants. Tout d'abord, se réveiller en retard est le meilleur moyen pour passer une mauvaise journée. Ensuite, il ne faut pas dépasser illégalement les automobiles ou klaxonner un retardataire au feu vert. Si cela arrive, mieux vaut s'excuser. Et bien entendu, si l'on a un téléphone intelligent, ne pas mettre un mot de passe s'avère inconséquent.
En allant porter son fils adolescent à l'école, Rachel (Caren Pistorius, découverte dans l'épatant Slow West) n'a pas respecté ces règles de base. Mal lui en prit, car un chauffeur (Russell Crowe) décide la pourchasser, elle et ses proches. Ce tueur psychopathe pourrait appartenir à la même famille que celle de Michael Douglas dans Falling Down... en plus cinglé, évidemment. Il n'hésite d'ailleurs pas à torturer et assassiner sauvagement pour donner une leçon à sa victime.
À tel point que la critique sous-jacente de la société - tout va trop vite, les gens sont de plus en plus centrés sur eux plutôt que sur leur environnement - ne devient qu'un prétexte à une accumulation de poursuites convenues et d'affrontements violents. À quoi bon étoffer son commentaire social si les personnages sont dénaturés de psychologie, de bons sens? Le scénario de Carl Ellsworth (responsable des banaux remakes de Red Dawn et The Last House on the Left) accumule les invraisemblances et les scènes débiles (pour survivre, il faut faire comme dans le jeu vidéo Fortnite???), alors que la mise en scène de Derrick Borte titille les bas instincts avec sa réalisation tapageuse et sa musique tonitruante.
Le film a toutefois une surprise de taille, presque capable de faire pencher la balance en sa faveur et de faire oublier tant d'inepties : Russell Crowe. Sa présence dans ce type de production peut surprendre. Surtout de la part d'un acteur chevronné dont les plus grands rôles - Gladiator, The Insider, A Beautiful Mind - sont associés à de gentils héros. Sauf qu'il faut se rappeler que sa carrière a été lancée en 1992 avec Romper Stomper où il incarnait un néo-nazi. Puis est venu l'immense L.A. Confidential qui lui a permis de passer de l'ombre à la lumière. Le reste appartient à l'Histoire. Jusqu'à ce que son côté Mr. Hyde reprenne le dessus ces dernières années, notamment dans Les misérables, Broken City, Winter's Tale et, bien sûr, The Mummy.
Il se déchaîne littéralement dans son plus récent long métrage, devenant un enragé terrifiant qui, étrangement, joue presque toujours sur le même registre. Après quelques paroles plus séductrices, l'interprète de Noah se transforme en ours sauvage, passant son temps à grogner, hurler et suer. Une prestation unique dans sa carrière, monolithique à bien des égards, qui contraste avec l'immense performance qu'il venait d'offrir dans la série The Loudest Voice où il campait une des figures les plus repoussantes de l'ère moderne.
La rumeur laisse entendre que Nicolas Cage, le spécialiste de la série B contemporaine, aurait décliné de jouer dans cette B. Une décision qui en dit long, pas nécessairement sur ses choix de films (Unhinged n'est ni pire ni meilleur que Primal et compagnie) mais sur son refus et incapacité à briser son image. Russell Crowe a osé et si le résultat, primaire et anonyme, n'est guère convaincant, sa présence animale permet de s'amuser ici et là, même si ce n'est jamais pour les bonnes raisons.