Ennemis publics s'avère finalement être un long film très inégal (mais surtout mauvais), avec une ou deux bonnes scènes clairsemées à travers une romance toute factice, une longue fusillade dans l'obscurité et des décisions douteuses d'une panoplie d'individus jetables à usage unique. Le scénario est tellement didactique, tellement auto-justifié, qu'il sonne faux du début à la fin, même quand Depp et Bale s'offrent un petit face-à-face plus inspiré. Pendant ce temps, Mann fait n'importe quoi, n'importe comment, et l'implication émotive est pratiquement inexistante.
Le braqueur de banques John Dillinger fait la pluie et le beau temps à Chicago. Alors qu'il vient de s'évader de prison, il est identifié comme l'ennemi public numéro 1 au pays. Afin de l'arrêter, le directeur du Bureau of Investigation, J. Edgar Hoover, assigne Melvin Pelvis à une chasse à l'homme prioritaire. Pendant ce temps, Dillinger s'entiche d'une jeune femme aux origines modestes tout en poursuivant sa carrière de voleur.
La réalisation confuse de Michael Mann gâche à peu près tout le potentiel dramatique de la palpitante histoire de John Dillinger. Depp, même s'il n'a finalement que deux rôles, celui du méchant charismatique et celui de l'excentrique expressif, a le charisme nécessaire pour incarner le malfrat, tandis que Bale lui donne une réplique convaincante mais convenue. Marion Cotillard, forte de son Oscar, ne semble pas très à l'aise dans cet univers tout masculin. Tous se contentent de faire ce qu'ils ont à faire, cela donne un film froid aux personnages sans passion.
Pire, les personnages secondaires, d'une affligeante simplicité, tentent tant bien que mal d'ajouter à l'impact dramatique du film qui s'essouffle dès que Depp n'est plus à l'écran. Ils prennent donc des décisions absolument inexplicables, posent des gestes à la logique douteuse qui, plutôt que d'être intéressants, sont tout à fait incongrus. Le scénario justifie simplement, voire maladroitement, de la même manière qu'on le fait dans les cours de scénarisation, les décisions de ses personnages, en particulier celle qui trahira Dillinger. Ce n'est pas important que cela soit fidèle à la réalité, il faut que ce soit réaliste dans l'univers interne du film et, dans ce cas-ci, rien ne fonctionne.
Michael Mann, qui compte à sa feuille de route plusieurs films interchangeables (Collatéral, Miami Vice et l'insipide Ali), essaie de faire du neuf avec du vieux. Quelques plans de caméra sont bien trouvés, d'autres complètement sans intérêt, et le montage ultra-conventionnel de toutes ces fusillades en diminue grandement l'efficacité. On l'a assez dit : le problème d'Ennemis publics est qu'il est prometteur, mais inefficace. Mann, donc, qui semble intimidé face à la prestance de Depp, ne sait pas comment donner de la puissance à ses images. Disons qu'à sa décharge, le scénario ne l'aide pas tellement.
Il est également profondément désagréable que le succès de Dillinger passe par quelques coups de chance, une balle perdue ou un accident de parcours. Cela rend le film bien moins impliquant, moins excitant, de voir que le succès d'un individu qu'on veut installer en tant que héros, en tant qu'inspiration (ce qui fonctionne assez bien, il faut l'avouer), ne passe pas par son intelligence mais par les soubresauts du destin. On commence même à penser que la formule pourrait s'appliquer à Mann, qui a su maintenir une bonne réputation malgré certains films plus que douteux. Celui-ci en fait partie.