Sur papier, la prémisse d'Encanto apparaît à la fois surprenante et intrigante. Après avoir été forcée de fuir son village après que celui-ci eut été mis à feu et à sang, après avoir perdu l'amour de sa vie et le père de ses enfants (nous avons affaire à un film de Disney, après tout), une femme trouve une chandelle magique qui lui fait cadeau d'une maison vivante au milieu de la forêt. Un lieu sécuritaire où elle et les membres de sa communauté peuvent enfin s'installer en toute quiétude, loin de la violence.
Déjà, aborder la question des réfugiés dans une production de cette nature s'avère être une proposition quasi inusitée. À l'opposé total de la vraie vie, la famille Madrigal et leurs concitoyens ont eu le miracle qu'ils espéraient. Et ce miracle doit maintenant être protégé coûte que coûte.
Les trois enfants de la principale intéressée ont aussi hérité de pouvoirs magiques leur permettant de jouer un rôle clé dans le développement de leur communauté et d'en assurer la prospérité à long terme. Et depuis, chaque enfant Madrigal se voit également confier une habileté spécifique lors d'un rite de passage. Tous sauf Mirabel, à qui l'on demande régulièrement de se tasser du chemin pour laisser les autres faire ce qu'ils ont à faire.
Dès lors, Encanto se transforme en une énième quête identitaire marquée au fer rouge par l'importance de la famille, et accentuée cette fois-ci par une réflexion sur le poids des responsabilités et des attentes, et surtout sur l'anxiété et le stress qui peuvent en découler.
Encanto est une proposition chargée qui a beaucoup à mettre en place au cours de ses dix premières minutes. Le tout passe notamment par un numéro musical boursouflé qui risque de donner quelques maux de tête à certains spectateurs. Heureusement, les autres chansons créées par Lin-Manuel Miranda sont beaucoup plus fluides et entraînantes, et donnent lieu à quelques scènes particulièrement inventives.
Esthétiquement, Encanto rencontre les plus hauts standards du studio. La qualité de l'animation est sans faille, et les couleurs vibrantes donnent vie à un univers riche de possibilités. Le problème, c'est que malgré tout ce qu'il peut introduire, le film traite chacun de ces éléments de façon hyperactive, ne leur laissant pas toujours le temps et l'espace nécessaires pour prendre toute leur importance à l'écran.
En termes de structure et d'intentions, nous pourrions comparer Encanto à Frozen II, dont la charge dramatique fondait comme neige au soleil dans le dernier droit, engourdie par les limitations de son propre discours. Le troisième acte d'Encanto est lui aussi beaucoup trop simpliste et prévisible pour donner du poids à tout ce que le film a su édifier précédemment, faisant passer les bons sentiments avant toute considération d'ordre dramatique.
Entendons-nous, cela ne veut pas dire que le présent long métrage est dénué d'intérêt. Les personnages ont du souffle et de la répartie, et le récit est parsemé de trouvailles narratives vivifiantes. Mais si Encanto réussit à nous investir émotionnellement dans les enjeux qu'il aborde, il ne parvient jamais à nous faire redouter la menace qui plane.
S'éloigner de la formule manichéenne classique qui a été le fer de lance du studio d'animation pendant des décennies n'est pas une mauvaise idée en soi. Le réel problème, c'est que les artisans d'aujourd'hui - à quelques exceptions près - n'ont encore rien trouvé de mieux pour la remplacer.