Adepte d'un cinéma thérapeutique et lumineux qui privilégie généralement la vigueur de la jeunesse et la force du groupe, Cédric Klapisch trouve son compte dans En corps. C'est une autre histoire pour le cinéphile.
Le film ne débute pourtant pas sur de mauvaises bases. Il explore d'ailleurs un postulat intéressant que l'on peut extrapoler selon ses propres expériences : que faire lorsqu'une blessure remet en question notre avenir? C'est ce qui arrive à Élise (Marion Barbeau), une danseuse professionnelle, qui devra peut-être subir une opération qui la laisserait à l'écart de la scène pendant quelques années.
Ce changement de vie, nécessaire dans une existence, n'est pourtant jamais traité avec rigueur par le scénario de Klapisch et de son fidèle collaborateur Santiago Amigorena. Il prend plutôt la forme d'un conte, éphémère et inoffensif, qui titille le doute et la remise en question, sans nécessairement proposer une réelle réflexion ou révolution. Au contraire, l'espoir a le dernier mot et les gens qui s'entraînent pourront continuer à croire à leurs rêves et même pratiquer leur métier blessé...
Le long métrage prend soin d'éviter les clichés liés au genre, où il est généralement question d'anorexie, de performance et de compétition. On est loin, par exemple, de Black Swan. Sauf que contrairement au mémorable opus de Darren Aronofsky, En corps ne repose sur aucun ressort dramatique valable au-delà de cette crise existentielle ténue. L'héroïne tombera en amour devant un coucher de soleil, elle affirmera quelques amitiés et se rapprochera de son père. Le récit n'est pas seulement longuet et sans surprise, mais il s'embarrasse de dialogues trop moralisateurs et explicatifs, qui soulignent lourdement les leçons de vie à suivre. Il se permet même des ellipses douteuses afin de créer mécaniquement une émotion envers une mère décédée trop tôt...
Au moins, les scènes dansées en mettent plein la vue et les oreilles. L'introduction, particulièrement soignée, développe un ingénieux montage parallèle entre un spectacle qui va mal se dérouler et la fébrilité de notre protagoniste (qui vient de se faire larguer). Puis le générique apparaît dans un surprenant mélange de ralentis et d'agréables effets esthétiques, le tout bercé par une mélodie iconoclaste. Dommage qu'en dehors de ces moments où le corps peut enfin s'exprimer librement, la mise en scène apparaît aussi sage, léchée et accessoire.
Le choix de recourir à de véritables danseurs renforce la véracité de l'entreprise. Cela se fait toutefois au détriment de la crédibilité de l'intrigue. Marion Barbeau de l'Opéra de Paris danse comme un ange... ce qui n'empêche pas son jeu d'être limité et d'avoir de la difficulté à véhiculer des sentiments complexes. C'est également le cas de tous ses partenaires qui ne sont pas comédiens. Chez les acteurs, cela va déjà mieux. Encore là, il y a beaucoup trop de personnages à usage unique, que ce soit la maman de remplacement (Muriel Robin) ou le kinésithérapeute (François Civil) un peu pathétique qui n'existe que pour apporter un peu d'humour. Quelle frustration d'avoir fait appel au grand Denis Podalydès pour lui demander de livrer une prestation aussi faible! Quant au doué Pio Marmaï, il est tout simplement énervant avec ses mimiques lassantes.
En corps se laisse regarder sans passion ni ennui, s'oubliant à la vitesse de l'éclair. Il est à l'image de la filmographie récente de Cédric Klapisch, qui fête cette année le 30e anniversaire de son premier long métrage Riens du tout. Autant sa première décennie d'activité était féconde avec des oeuvres marquantes comme Le péril jeune, Un air de famille et L'auberge espagnole, autant la suite ne fut pas toujours à la hauteur des espoirs fondés en lui. Surtout que pour un admirateur de danse (il a consacré plusieurs documentaires à ce sujet), c'est incompréhensible qu'il ne soit pas parvenu à offrir un résultat plus personnel et authentique.