Adapter, c'est trahir. Les adeptes du populaire roman En attendant Bojangles d'Olivier Bourdeault l'apprendront à leurs dépens avec cette transposition cinématographique qui ne possède pas le même charme.
Papa (Romain Duris), maman (Virginie Efira) et fiston (Solan Machado-Graner) sont heureux, vivant une existence différente des autres. Ils privilégient le jeu et le pouvoir de l'imagination au détriment de la décevante réalité. Mais un jour, la maladie les rattrape...
Il y a littéralement deux films qui tentent de cohabiter au sein de cette création qui lorgne autant vers l'univers de Boris Vian que celui de Romain Gary. La première heure, complètement absurde et décalée, présente des personnages qui semblent issus d'une bande dessinée. Il faudra s'accrocher pour ne pas être largué par cet humour assez particulier et ces situations qui dépassent l'entendement.
Une fois que le cinéphile commence à s'habituer à ce ton unique, le script opère un changement de registre à 180 degrés, se transformant en mélodrame. Celui qui est lourd et collant à ses heures, émouvant dans sa dernière ligne droite, mais trop manipulateur et saturé de musique. Un mélange de genres qui ne fonctionne tout simplement pas.
Il y a pourtant de belles choses dissimulées dans ce texte où il est question d'amour, de paternité et de la nécessité de profiter pleinement du temps alloué. Le récit oscille sans cesse entre la vérité et le mensonge, inventant des aventures incroyables. Dommage que l'ensemble manque de chair et que les dialogues pétillants finissent par faire la morale.
On ne pourra toutefois accuser les excellents acteurs de ces faux pas. Possiblement la meilleure actrice de sa génération, Virginie Efira continue de surprendre, étant capable de passer des rires aux larmes en une microseconde. À ses côtés, Romain Duris force parfois le jeu, pouvant néanmoins compter sur son charisme naturel pour le sortir du pétrin. Solan Machado-Graner demeure parfaitement à l'aise devant la caméra et Grégory Gadebois offre une prestation savoureuse en ami éconduit.
Colorée et volontairement surannée, la photographie de Guillaume Schiffman (The Artist) ne manque pas d'attrait. Tout comme la mise en scène de Régis Roinsard, qui fait oublier le faux pas de sa précédente réalisation (Les traducteurs) pour retrouver la verve de son premier long métrage (Populaire, où l'on retrouvait également Romain Duris). Encore là, on ne peut que regretter le manque de folie et de poésie de ce travail trop lisse et sage.
Après un détour au théâtre et en bande dessinée, le livre En attendant Bojangles embrasse le septième art en laissant, malheureusement, un peu indifférent. L'essence du bouquin y est, c'est seulement son traitement qui fait titiller et laisse à désirer. Par exemple, le simple fait de remplacer la narration de l'enfant par celle du père limite grandement la vision et le propos. Mais quand la pièce titre se fait entendre et que le couple glamour se met à danser le tango, il est plutôt difficile de ne pas faire la sourde oreille.