De The Right Stuff à Apollo 13, en passant par Hidden Figures et First Man, les films sur la NASA et la conquête spatiale prennent généralement des tangentes dramatiques. Quelle n'est pas la surprise de voir atterrir Fly Me to the Moon, qui se veut à la fois comique et romantique.
Il y est question de la course à la Lune entre les États-Unis et l'Union Soviétique. Une spécialiste du marketing (Scarlett Johansson) est recrutée par la Maison-Blanche pour mousser à n'importe quel prix la mission Apollo 11 auprès de la population américaine... au grand dam du directeur de lancement Cole Davis (Channing Tatum), qui aimerait qu'on prenne cet événement plus au sérieux.
Deux longs métrages tentent de cohabiter dans cette production qui semble issue d'une autre époque. Il y a celui, ludique et divertissant, où la pétillante Scarlett Johansson fait habilement sa place dans un monde dominé par des hommes. Le ton est à la satire tant elle est prête à tout pour redorer l'image de son pays... même à créer de toutes pièces des situations incroyables.
Puis il y a celui qui se veut plus sensible et dramatique, dominé par la présence de l'ultra rigide Channing Tatum. Non seulement ce dernier tente d'accomplir honnêtement sa mission d'envoyer des hommes sur la Lune, mais on lui a dessiné un passé trouble afin de le rendre plus humain.
L'amalgame de ces deux destins laisse toutefois à désirer. Sur le plan humoristique, il y a bien quelques gags qui font mouche, fondés sur le caractère antagoniste des personnages. Si le moule du récit a fait ses preuves et qu'on se croirait parfois devant une de ces comédies loufoques des années 1930 et 1940 qui ont fait la renommée d'Ernst Lubitsch et de Preston Sturges, le résultat est loin d'être aussi pétillant et mémorable.
Là où le bât blesse, c'est sur le plan sentimental. Scarlett Johansson et Channing Tatum ne possèdent aucune chimie. Les stars ont déjà joué dans le même film - le pénible Don Jon de Joseph Gordon-Levitt et le rigolo Hail, Caesar! des frères Coen -, mais ils n'avaient, de mémoire, aucune scène ensemble. Le script pousse ici la romance, volontairement kitsch, exacerbée et surannée, qui ne se veut jamais très crédible.
Ce n'est pas surprenant qu'on laisse autant d'espace aux personnages secondaires. Woody Harrelson est irrésistible en homme de l'ombre du Président Nixon, Ray Romano affiche une belle vulnérabilité en comparse du héros, et Jim Rash vole la vedette en metteur en scène obsessif sans doute inspiré de Stanley Kubrick. Même si les stéréotypes sont nombreux et les numéros demeurent au ras des pâquerettes, un certain plaisir s'en dégage.
La réalisation de Greg Berlanti (à qui l'on doit le potable Love, Simon et le plus oubliable Life as We Know It) reprend l'esthétisme des oeuvres cinématographiques issues de la seconde moitié des années 1960. Le rythme est dynamique, le montage vivant et l'utilisation d'images d'archives s'avère cohérente. On n'hésite pas à diviser l'écran comme si on venait de découvrir The Thomas Crown Affair. Le tout est accompagné d'une bande sonore accrocheuse, où l'on pourra évidemment entendre la pièce titre immortalisée par Frank Sinatra.
La particularité de Fly Me to the Moon, qui est soi-disant inspiré d'une histoire vraie, est que tout sonne... faux. Sans doute volontairement. Cela amène une réflexion sur la réalité et les mensonges qui résonne à l'ère des fake news. Le personnage de Channing Tatum marche à l'honneur et à la vérité. Il représente une vieille conception de l'Amérique qui se voit chamboulé par l'apparition du personnage de Scarlett Johansson, qui n'hésite pas à mentir pour arriver à ses fins. Non seulement elle manipule l'opinion publique face à cette mission, mais on lui demande de recréer en studio l'alunissage de Neil Armstrong. L'intérêt n'est pas tant de donner du poids à cette légende urbaine qui demeure vivante dans l'esprit de nombreuses personnes, mais de rappeler la facilité des instances politiques à donner de la véracité - ou pas - à des événements et, ainsi, à contrôler l'Histoire.
Cela peut mieux expliquer l'absence d'atomes crochus entre les têtes d'affiche. L'important est, peut-être, ailleurs. Il y a toutefois une certaine frustration à voir un thème aussi passionnant être noyé dans un scénario surchargé où il est également question d'espionnage et de traumas du passé. Le film aurait mérité d'être plus drôle et mignon et, surtout, de ne pas s'étendre sur 132 minutes, qui paraissent répétitives et même interminables.