Elvis Presley a vécu une existence tellement extraordinaire qu'elle est impossible à résumer par une simple biographie filmée. Le cinéaste Baz Luhrmann l'a parfaitement compris, offrant une version cinématographique aussi immense et dévergondée que son sujet.
Le réalisateur australien s'en donne d'ailleurs à coeur joie, explorant une multitude de styles - comédie musicale, bande dessinée, satire - avec son style inimitable. Après deux longs métrages oubliables (The Great Gatsby, Australia), le voilà retrouver la grâce et l'inspiration de Moulin Rouge et Romeo + Juliet, bombardant l'écran de stimulus à susciter des crises d'épilepsie. Tout bouge sans cesse dans ce furieux et luxueux ballet de sons et d'images, les plans de plus de quatre secondes sont rares et son montage parallèle se décuple incessamment. Tout cela pendant 2 heures 40 minutes qui se révèlent aussi excitantes qu'épuisantes.
Ce tour en montagnes russes s'apparente évidemment à un trip esthétique, emportant le spectateur dans un opéra rock d'une vacuité absolue. Malgré la trop longue durée de l'entreprise, on en apprend finalement peu sur Elvis (Austin Butler), autrement qu'il s'est fait manipuler par son imprésario (Tom Hanks). Ses zones d'ombres ont été évacuées au profit d'une hagiographie vide et luxueuse, pimpante et divertissante. Le scénario écrit à huit mains multiplie les parallèles attendus avec la situation des États-Unis dans les années 50, 60 et 70, entre conservatisme, liberté fraîchement acquise et perte d'innocence.
Parfait dans le rôle principal, Austin Butler (que l'on a pu voir dans Once Upon a Time in Hollywood) livre une prestation particulièrement inspirée. Son corps réagit tout entier à ce qui lui arrive, ce qui compense pour la faible implication psychologique de son personnage caricatural. L'arc narratif à la Amadeus lui préfère toutefois l'antagoniste qui non seulement narre le récit, mais en devient une métaphore éclatante de l'Amérique, qui exploite ses semblables pour s'en mettre plein les poches. Un être énigmatique, séducteur et répugnant, que Tom Hanks rend bien malgré ses prothèses envahissantes et son accent douteux.
La musique est bien entendu au coeur du projet et elle marquera les esprits... même si son traitement laisse parfois à désirer. Les légendaires pièces du King sont présentées longuement à l'écran, tout comme sa fascination pour les mélodies afro-américaines. En revanche, son adaptation au goût du jour afin de séduire de nouvelles générations de spectateurs fait sourciller tant le mélange n'est pas toujours harmonieux. On est loin, à cet effet, de Moulin Rouge et Romeo + Juliet.
Moins éclatant que I'm Not There et beaucoup plus stimulant que Bohemian Rhapsody, Elvis demeure un biopic exubérant à souhait, pour le meilleur comme pour le pire. Pourquoi espérer émotions et profondeur si l'on peut simplement se laisser porter - ensevelir? - par une horde de visions clinquantes et de déflagrations musicales?