Les exploits de Gustave Eiffel fascinent. Comment est-il parvenu à ériger la célèbre tour qui porte son nom? Les documentaires ne manquent pas à cet effet, tout comme les téléfilms et voilà que le cinéma s'en mêle avec cette production particulièrement ambitieuse et titanesque.
Il sera évidemment question de cette incroyable structure de 300 mètres qui a été confectionnée en prévision de l'Exposition universelle de Paris de 1889. Tout l'éventail est déballé de long en large afin d'en mettre plein la vue au niveau de la faste recréation d'époque, des effets spéciaux retentissants, de la photographie texturée, etc. C'est aussi spectaculaire qu'une gigantesque coquille vide, superficielle comme une carte postale lustrée, ressemblant à ces biopics académiques et décoratifs qui croulent sous les clichés et les conventions.
Ce vibrant tour de force de la création humaine semble un simple prétexte pour raconter une romance d'un kitch absolu. Pourquoi s'intéresser à l'Histoire si l'histoire inconséquente « très librement inspirée » de faits véridiques est au rendez-vous? Surtout que le scénario de Caroline Bongrand n'hésite pas à détourner le canevas sentimental de Titanic pour le reproduire paresseusement.
Entre Eiffel (Romain Duris), son bon ami Antoine (Pierre Deladonchamps) et Adrienne (Emma Mackey), c'est l'éternel triangle amoureux qui est reproduit et qui n'opère jamais complètement tant la chimie manque à l'appel entre les différents comédiens. Face à un Romain Duris trop jeune pour le personnage qui force les mimiques et une Emma Mackey (de la série Sex Education) qui semble parfois se demander ce qu'elle fait là, c'est Pierre Deladonchamps (Plaire, aimer et courir vite) qui offre le jeu le plus subtil. Il incarne peut-être un archétype, ce qui n'empêche pas l'acteur de briller dans quelques scènes, dont une, particulièrement angoissante, qui flirte avec l'horreur.
À l'image du classique qui mettait en vedette Leonardo DiCaprio et Kate Winslet, il est question de luttes de classes, alors que notre héros n'est pas du même rang que sa prétendante. Cela amène une multitude de discours lourds et moralisateurs sur l'égalité et la nécessité que tous et toutes puissent jouir de la tour Eiffel. Des poncifs plus contemporains se retrouvent également de la partie, développant des élans féministes par-ci, rappelant par-là comment les êtres conservateurs sont réfractaires au changement.
La pilule aurait certainement été plus facile à avaler si elle était accompagnée d'une réelle virtuosité technique. Sauf que le cinéaste Martin Bourboulon ne possède pas le talent de James Cameron. Malgré son esthétisme soigné, le long métrage souffre d'une mise en scène guère personnalisée, à la musique omniprésente et aux ellipses discutables. Le rythme dynamique ne compense d'ailleurs jamais l'absence de chair autour de l'os. Sans doute que le réalisateur des deux épisodes de Papa ou maman aura plus de latitude sur le diptyque Les trois mousquetaires qu'il est en train de préparer et qui doit notamment mettre en vedette Vincent Cassel et Romain Duris.
« La vie m'a appris à me méfier des surprises », lance Gustave Eiffel aux gens qui l'entourent. Il n'y en a d'ailleurs pas beaucoup dans ce film appliqué et lisse, qui s'apparente à une luxueuse publicité au charme suranné. L'art de prendre un sujet passionnant et de le dénaturer presque complètement en faisant de la romance fictionnelle et non de la mythique tour le principal enjeu du récit.