Side Effects a les mêmes répercussions qu'avait eues Haywire l'an dernier; un vent de fraîcheur et d'espoir sur cette saison moins glorieuse du cinéma hollywoodien (janvier et février étant généralement une période plutôt creuse de laquelle émergent très peu d'oeuvres de qualité - Broken City et The Last Stand sont là, cette année, pour en témoigner). Ça existe encore de bons suspenses psychologiques, de bons réalisateurs qui parviennent à berner le spectateur et à l'étonner, des directeurs photo inventifs et des acteurs sensibles! Heureusement qu'on a Steven Soderbergh pour nous le rappeler parce que depuis le début de l'année, on en doutait.
Soderbergh est l'un des plus grands réalisateurs américains de son temps et ce petit film discret et pourtant puissant nous le prouve encore aujourd'hui. Le cinéaste contrôle son public, l'entraîne sans résistance dans son univers psychotique sans jamais l'abandonner au profit de quelques fioritures - stéréoscopiques ou autres - qui font jouir les producteurs et autres collecteurs. Le réalisateur est dévoué à l'art, mais construit un cinéma intelligent et accessible, autour d'une histoire pertinente; que demander de plus! Peut-être un brin de constance et un léger resserrement en fin de parcours, mais vraiment, ce n'est qu'un commentaire superficiel face à la cohérence globale du récit et ses échos favorables dans la technique.
Le son, la lumière, la profondeur de champ, la musique; tout dans le visuel de Side Effects relève du génie, de l'intelligence et de la perspicacité cinématographique d'un grand metteur en scène. Il y a des dizaines, plutôt des centaines de façons de positionner une caméra au sein d'un plan, et Soderbergh la place généralement là où l'oeil humain n'aurait pas instinctivement trouvé refuge. Il déstabilise le consommateur de cinéma, mais aussi l'humain qui approche l'existence d'une certaine façon et considère celles des autres aussi différemment. Sa manière de ne pas restreindre les personnages à des dialogues unilatéraux où l'on parle après que l'autre ait terminé (dans ses films, les protagonistes parlent souvent au même moment), permet toujours à ses films de s'élever au-delà la fiction traditionnelle et de s'approcher d'autant plus de la réalité.
Rooney Mara, découverte dans The Social Network, livre une performance renversante. Entre sournoiserie et démence, son personnage en est un instable et pourtant, attachant. Jude Law est aussi fort convaincant dans le rôle d'un psychiatre qui n'hésite pas à prescrire des antidépresseurs à ses patients atteints du mal de vivre. Le film lance un débat sur la surconsommation de médicaments dans la société contemporaine mais ne s'y attarde pas, ne joue pas au prêcheur, ni au moralisateur. Il n'est qu'un intermédiaire, quelque part entre le problème et la solution.
Side Effects possède très peu de lacunes, mais l'une d'entre elles dérange plus que les autres; l'explication enfantine qu'on nous sert en fin de parcours pour permettre à tout le monde - même à celui qui ne suivait pas, il semblerait - de comprendre l'issue de l'oeuvre. Revenir sur des scènes qu'on nous a déjà montrées pour s'attarder sur les éléments qui auraient pu nous échapper est un exercice plutôt amateur pour un réalisateur de la trempe de Soderbergh. Le cinéaste n'a pas l'habitude d'infantiliser le spectateur et quand il le fait, c'est presque insultant. Mais bon, comme les longueurs et l'irrégularité, on pardonne rapidement à celui qui nous livre ce cadeau si prometteur pour l'année cinématographique qui nous attend (de toute façon, ça peut difficilement être pire que l'an dernier)...