À une époque où un film est pensé en termes de suite, antépisode, dérivé et adaptation télé, Dungeons & Dragons: Honor Among Thieves risque de faire sensation.
Le célèbre jeu de rôle Dungeons & Dragons ne s'était jamais imposé au cinéma. Jusqu'à maintenant. En 2000, il y a eu une tentative tellement médiocre que le projet est mort dans l'oeuf. C'était avant le triomphe de Lord of the Rings et la vague fantaisiste qui allait suivre.
L'histoire ne risque pas de se répéter en 2023. Pourquoi? Parce qu'il y a eu un perfectionnement inouï des effets spéciaux. La création de ce monde unique est maintenant possible (au coût de plus de 150 millions de dollars) et il en met plein la vue. Des prisons enneigées aux incroyables cités, la sensation de débarquer dans un autre univers est immense.
Surtout que les scènes d'action sont spectaculaires à souhait. Entre un faux plan séquence où un personnage se transforme continuellement en animaux à une virée dans un labyrinthe, en passant par une poursuite qui défie la gravité et un affrontement final épique, il y a tout pour satisfaire les amateurs de magie.
Le synopsis, lui, demeure étrangement familier, alors que quatre compagnons s'unissent pour sauver une fillette et, par ricochet, la planète. Le moule est celui des longs métrages de Marvel - Guardians of the Galaxy en tête - et le script remplit son cahier de charge pendant 134 minutes, favorisant constamment l'émerveillement et, surtout, l'humour. Il n'y a rien de particulièrement original ou inédit au menu, si ce n'est un traitement ludique et divertissant qui s'adresse à un public familial, notamment celui qui a été séduit par les derniers épisodes de Jumanji.
Le travail des cinéastes et scénaristes Jonathan Goldstein et John Francis Daley (Game Night, Vacation) offre un travestissement des codes du genre. Bien entendu, on reconnaît tout ce qui a fait le charme et le succès de D&D, des enchantements multiples aux classes variées. Mais pas besoin d'être un initié pour en soutirer un certain plaisir. Un filtre près de la parodie a été appliqué et il fait toute la différence. Cela explique par exemple ce dragon obèse, ces dialogues risibles qui versent dans le sentimentalisme et ces abus de retours dans le passé qui handicapent presque volontairement la première partie. Ce n'est évidemment pas du même calibre que The Princess Bride, sauf que l'ensemble s'avère éminemment sympathique.
Les personnages dessinés au goût du jour proposent leur lot d'hommes faibles et manipulateurs... et de femmes fortes et féroces. Dans la première catégorie, Chris Pine se sert de son charisme usuel pour offrir tout ce qu'on attend de lui. Il se fait toutefois éclipser par Hugh Grant, hilarant en méchant bouffon. De son côté, Michelle Rodriguez en impose physiquement en barbare et elle sera une des préférées du public, tout juste derrière Sophia Lillis, qui campe une étonnante druidesse capable de se métamorphoser en bêtes sauvages.
La vacuité de l'exercice n'enlève rien au plaisir rencontré. Il aurait été tellement facile d'offrir un nouveau navet avec un tel concept. Ce n'est pourtant pas le cas, même si Dungeons & Dragons: Honor Among Thieves, aussi amusant soit-il avec ses emprunts divers (à Star Wars, Indiana Jones...), s'oublie dès la tombée du générique.