Il y a de ces films qui nous marquent. Pas nécessairement des films qui remporteront des Oscars, ni des oeuvres « majeures », mais des petits films sans prétention qui misent juste. Don Jon fait partie de mon répertoire de petits films magiques. En plus d'être parvenu à produire une comédie efficace, Joseph Gordon-Levitt est arrivé à soulever un problème de société, un problème d'anticipation et de magnification qu'a une certaine génération avec l'amour. La fille veut un homme parfait, comme elle le voit dans les comédies romantiques hollywoodiennes, et le gars veut une fille qui l'excite autant que dans ses vidéos pornos. Un problème qui n'existait pas il y a cinquante ans...
Le personnage central, celui du macho douchebag italien, joué par Gordon-Levitt, est parfait pour introduire cette histoire d'amour qui a une date d'expiration avant même le premier rendez-vous. Et Scarlett Johansson, dans le rôle d'une jolie jeune femme du New Jersey, avec sa gomme qu'elle mâche frénétiquement et ses vêtements de jogging rose, est aussi imbattable, sans oublier Julianne Moore qui interprète - magnifiquement - une sorte de mentor plutôt inorthodoxe pour un jeune adulte qui ne peut se passer de pornographie sur internet. Il est aussi difficile de passer sous le silence la performance de Tony Danza en père de famille et de Brie Larson en soeur blasée qui ne lâche jamais son téléphone cellulaire des yeux. Joseph Gordon-Levitt est arrivé à construire des personnages fort attachants et, surtout, crédibles. On peut tous les comparer, de près ou de loin, à quelqu'un qu'on connaît.
Le travail de réalisation de Gordon-Levitt est aussi plus que satisfaisant. La plupart du temps, il laisse la place aux acteurs qui rendent tous merveilleusement bien ses textes. C'est davantage au niveau du montage que Gordon-Levitt fait sa marque. Frénétique mais surtout cadencé, le montage (et l'ambiance sonore qu'on lui a appliquée) apporte beaucoup à la production. Cette comédie a besoin d'un rythme de croisière pour ne pas s'essouffler et l'acteur-réalisateur-scénariste de 32 ans a définitivement su le trouver. L'humour aussi y est bien dosé. Une comédie orientée autant que celle-ci vers le sexe (qui est d'ailleurs classée 16 ans et plus par la Régie du cinéma) aurait pu rapidement tomber dans la vulgarité gratuite et les blagues de premier niveau, mais Don Jon ne bascule jamais dans la facilité ou l'excès. Le sujet est considéré sérieusement et l'aspect humoristique est habilement harmonisé avec la thématique délicate.
Il y a des dizaines d'idées géniales dans Don Jon, des petits détails qui nous font aimer la production démesurément. Le caméo de Anne Hathaway et de Channing Tatum est délicieux et les contritions du protagoniste dans le confessionnal à l'église (et, évidemment, le fait qu'il fredonne ses prières pénitentes en sculptant ses muscles au gym devant le miroir) sont toujours savoureuses.
Le personnage de Julianne Moore est peut-être introduit un peu tard et vers la fin l'histoire s'étire peut-être un peu trop, mais les choses que l'on reproche à Don Jon ne sont pas suffisamment graves pour nuire à notre appréciation générale de l'oeuvre. C'est la première fois que Joseph Gordon-Levitt joue le rôle du réalisateur, mais ce n'est certainement pas la dernière. En espérant qu'il ne soit pas avalé par le système et qu'il ne finisse pas par perdre cette fraîcheur vivifiante qu'il est parvenu à nous transmettre dans Don Jon... Hollywood a besoin d'un cinéma intelligent et divertissant comme celui de Gordon-Levitt.