Il faut être cinglé pour créer une suite à une oeuvre culte comme Shining. Stephen King a fait paraître Doctor Sleep en 2013, alors que Mike Flanagan vient d'en rédiger et réaliser la transposition cinématographique. Si le livre semblait tenir la route, il en est tout autrement du film.
Ça serait d'ailleurs un sacrilège d'appeler cela une suite tant cette variation a peu à voir avec le bouquin original et le classique de Stanley Kubrick. Le petit Danny a grandi, il possède toujours des pouvoirs spéciaux et c'est pas mal tout. Pour le reste, cela se rapprocherait très bien de It: Chapitre 3. Une dangereuse secte kidnappe et assassine des enfants afin d'absorber leurs forces vitales. Lorsqu'une adolescente possédant le don de shining se met à travers leur chemin, un étrange combat entre le Bien et le Mal se tiendra.
Doctor Sleep ressemble à ces téléfilms fauchés adaptés de romans de Stephen King qui abondaient dans les années 90. Des histoires superficielles et beaucoup trop longues (ici 2h30, dont une heure s'avère superflue) qui sombrent rapidement dans le ridicule tellement la trame narrative est aberrante et les effets spéciaux pitoyables. Au lieu du suspense et des frissons espérés, ce sont les rires qui fusent de partout, gracieuseté d'une antagoniste (Rebecca Ferguson) qui lévite en faisant de la méditation et de ce pauvre héros d'une fadeur abyssale. Il faut retourner à l'excellent Begginners en 2010 pour trouver un rôle intéressant au cinéma pour Ewan McGregor et l'acteur fait encore ici piètre figure, bien qu'un cauchemar d'un bébé mort rappelle un certain Trainspotting.
Habitué de ces univers ténébreux où les personnages doivent affronter le passé, combattre leurs démons et cesser de fuir, le cinéaste Mike Flanagan (Ouija: Origin of Evil, Oculus) semble avoir perdu sa touche magique depuis qu'il s'est associé à Netflix. Son style si unique et reconnaissable - faut-il se rappeler de son étonnant Absentia? - est devenu impersonnel, créant des images soignées, quoique vides de sens, qui n'arrivent jamais à exploiter le plein potentiel en place.
Puis arrive cette dernière demi-heure où les gentils et la méchante se retrouvent dans ce fameux hôtel isolé en montagne où se tenait l'action du précédent récit. Plus que l'hommage (il y avait bien quelques flashs ici et là depuis le début), le scénario propose plutôt une relecture. King a toujours détesté la version de Kubrick et Flanagan retourne à l'essence des obsessions de l'écrivain : en faisant le plein de fantômes, en privilégiant le fantastique au psychologique, le chaud au froid, et en expliquant les tenants et aboutissants au lieu de préserver le moindre mystère. Cela donne quelques passages relevés et amusants qui auraient eu leur place dans un épisode de Insidious. C'est tout de même curieux qu'en l'espace de 15 petites minutes, Ready Player One de Steven Spielberg ait tout dit sur le sujet en reprenant ce passage... ce que n'arrive même pas à faire Doctor Sleep au bout de 152 minutes.
Voilà donc un long métrage qui porte bien son nom. Rapidement, une petite voix - notre shining intérieur - appelle Morphée pour amener le cinéphile au pays des rêves, lui donnant seulement le goût de revoir le chef-d'oeuvre avec Jack Nicholson qui lui, n'a pas pris une seule ride en près de quatre décennies. S'il y a une suite comme le laisse présager la conclusion, on verrait bien les individus possédant ces pouvoirs psychiques se joindre aux membres des X-Men.