Chaque nouveau film de Quentin Tarantino est un événement. Le rendez-vous est bien sûr cinématographique en tout premier lieu, l'importance du réalisateur dans la filmographie américaine étant indéniable; Tarantino pourrait bien être le plus américain des cinéastes, vu son penchant pour la violence, contextualisée et/ou banalisée, son rapport à l'histoire (un rapport de respect mais aussi de travestissement) et pour ses emprunts formels, lui qui est un réalisateur indépendant qui peut pourtant travailler avec d'imposants budgets. Contradictions, distorsions, références sont donc au coeur de son oeuvre, à laquelle il ne faudrait pas oublier d'inclure un humour parodique (et social) souvent audacieux.
Ces éléments sont tous au rendez-vous dans Django Unchained, ce qui fait de ce nouveau film de Tarantino un bon film de Tarantino. Son meilleur? Sans doute pas. Son plus abouti? Non plus. Son plus cohérent? Peut-être, mais encore là, voilà un réalisateur qui trouvait sa cohérence dans le désordre - narratif, de toute évidence, mais aussi simplement visuel - qui est ici moins téméraire qu'à l'habitude; Django Unchained est l'histoire, simple, d'un esclave qui s'affranchit par la violence (USA?) avec l'aide d'un Européen dandy (fascinant, et fabuleusement interprété par Christoph Waltz, pour le qui le rôle a apparemment été aussi bien taillé que ses costumes et sa barbe).
La proposition est donc intéressante, stimulante, et malgré près de 2h45 Django Unchained demeure dynamique et pratiquement sans redites. L'histoire se dévoile lentement, a plusieurs revirements intéressants, est bien menée d'ailleurs par de longues scènes dialoguées très habiles (comme on s'y attendait) et des acteurs en grande forme. Pourtant, parce qu'on attend à chaque instant la digression, le bouleversement chronologique ou l'intervention d'un cinéaste-dieu sans complexes, le récit nous paraît bien simple. Du point A au point B.
Si Waltz, DiCaprio et Jackson sont truculents, ostentatoires, plus grands que nature dans un film qui n'a pas l'audace formelle des irrévérences narratives du duo Menke/Tarantino, Jamie Foxx semble croire être dans un film parfaitement sérieux. Cela s'applique bien en premier lieu, alors qu'il est recruté par le Dr King Schultz et qu'il découvre en même temps que nous de quoi ce personnage est fait, s'affranchissant de son statut d'esclave, mais moins par la suite; c'est en mode découverte que Django Unchained est le plus captivant, beaucoup moins lorsqu'il s'agit d'accomplir une finale qui était vite devenue inévitable.
Avec ce long métrage, on retrouve Tarantino, ce qui est déjà un grand plaisir cinéphilique. Le cinéaste ne laisse pas tomber ses fans et leur (nous) propose une aventure qui, aussi esque soit-elle, ne surpasse pas Inglourious Basterds ou Kill Bill, tout en s'inscrivant de manière pertinente dans la filmographie d'une cinéaste sans pareil. Oeuvre mineure d'un cinéaste majeur, voilà de quoi a eu l'air cette année, et voilà aussi ce qui semble de plus en plus convenir à Django Unchained.