Dix-sept ans après Borderline, Lyne Charlebois revient finalement au grand écran. Pour son second long métrage, la Québécoise nous offre un film d'époque à teneur biographique qui s'efforce de déjouer les conventions, et de s'éloigner d'une forme de cinéma plus statique et contemplative à laquelle nous aurions pu avoir le réflexe de l'associer au premier abord.
À travers la relation épistolaire et la correspondance aussi riche qu'imagée qu'ont entretenues le frère Marie-Victorin (Alexandre Goyette) et son étudiante, puis collègue Marcelle Gauvreau (Mylène Mackay), Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles s'impose comme une oeuvre aussi délicate et vivifiante que la flore, les sentiments et les sensations refoulées dans lesquels elle s'immisce.
Dès le départ, le long métrage se démarque par ses inserts, son montage énergique et ses dialogues livrés avec autant de fougue que de conviction qui le rythme allègrement. Il en va de même pour l'idée du « film dans un film » introduite dès la première scène, nous faisant suivre parallèlement le parcours des comédiens Antoine (Goyette) et Roxanne (Mackay) des premières répétitions jusqu'au tournage du film prenant peu à peu forme sous nos yeux.
Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles aurait-il pu tenir la route sans cet ajout? Probablement. Mais deux séquences en particulier, mélangeant les deux temporalités, et confondant les deux contextes dramatiques, viennent définitivement légitimer l'emploi d'un tel exercice de style.
Cette approche permet également au scénario de Charlebois de tisser des parallèles assez substantiels entre deux discours, deux amours impossibles, deux formes de conflit intérieur, entremêlant à tout cela la disparition d'une certaine façon de communiquer avec l'autre, et d'être conscient - physiquement et émotionnellement - de l'environnement qui nous entoure.
Et à travers toutes ces intentions, Lyne Charlebois célèbre également sans retenue l'art littéraire, la passion des mots, qu'elle parvient à rendre enivrante et inspirante sans la moindre difficulté.
De la flore laurentienne, le film se dirige tranquillement vers les recherches sur la sexualité effectuées à distance par le duo pour tenter de mettre des mots sur des émotions, de normaliser le désir, et de sortir la Belle Province de sa torpeur et de ses tabous.
Une fois de plus, le scénario de Lyne Charlebois entrecroise d'une manière tout aussi inspirée ses réflexions sur la richesse de la faune québécoise, la complémentarité entre la science et la spiritualité, la libération sexuelle, l'identité québécoise, les premiers balbutiements qui mèneraient plus tard à la Révolution tranquille et l'émancipation de la femme, permettant à ces idées et concepts de se parler et de se compléter les uns les autres.
Il y a, certes, quelques dialogues qui ont tendance à privilégier le message plutôt que la finesse, des séquences contemporaines un peu trop appuyées, ainsi que certaines répétitions qui auraient pu être laissées sur le plancher de la salle de montage. Charlebois remporte néanmoins son pari de célébrer la très grande contribution du frère Marie-Victorin et de Marcelle Gauvreau à l'évolution du Québec, positionnant celle-ci dans la modernité, où elle trouve toujours écho et sens.
L'ensemble est également relevé par la méticuleuse direction photo d'André Dufour, qui rend un hommage tout aussi senti à la beauté naturelle du territoire québécois.
Pour leur part, Alexandre Goyette et Mylène Mackay trouvent tous deux le ton juste entre la force des principes et des idéaux, et la célébration de la vie sous toutes ses formes. Le tout dans un contexte d'observation des plus éloquents, et d'éveil des sens foisonnant et didactique (dans le bon sens du terme).
C'est donc un retour au cinéma plus que réussi pour Lyne Charlebois, qui a su trouver les mots justes et les images adéquates pour expliquer pourquoi ces choses sont, effectivement, si belles.