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Religion et écologie, dissertation.
De ne pas voir la trilogie de Paul Shrader dans le bon sens n’est pas gênant puisque seules les thématiques, l’aspect visuel et la caractérisation du personnage principal se répondent mais que les histoires n’ont absolument rien à voir. Après le décevant, singulier et neurasthénique « The Card Counter », second du lot, et avant l’excellent « Master Gardener », dernier à sortir temporellement, « Sur le chemin de la rédemption » (titre français trivial et ridicule du bien plus logique « First Reformed » en version originale) traçait déjà les grandes lignes de cette entreprise artistique lancée par ce réalisateur à la carrière en dent de scie. En effet, Shrader a aussi bien tourné des œuvres cultes (comme « Affliction » par exemple) que des séries B oubliables dont certaines commises avec Nicolas Cage dans ses pires moments... On a donc ici trois récurrences formelles ou de fond avec cette trilogie entamée en 2018 : un homme au passé trouble et ou torturé en personnage principal, l’association de deux thèmes ou sujets aux antipodes l’un de l’autre et un ascétisme volontaire de la mise en scène où tout accessoire ou fioritures est proscrit (sans tomber non plus dans le Dogme95 de Lars Von Trier et consorts).
Dans celui-ci on a donc un ancien aumônier militaire devenu prêtre, divorcé et ayant perdu un enfant, vivant dans une petite paroisse américaine en tant que protagoniste principal. Un homme d’Eglise donc qui va devoir tester sa foi envers Dieu et ses croyances lorsque le suicide d’un activiste écologique et la maladie vont réveiller en lui des sentiments contradictoires. Shrader oppose ou associe, selon le moment et le point de vue, conscience écologique et religion de manière bien plus pertinente et fluide que le faisait « The Card Counter » qui, lui, faisait se répondre tournois de pokers et torture à Guantanamo (!). Mais ce sera « Master Gardener », dont on parlera dans quelques semaines, qui représente le plus abouti et réussi des trois films sur ce versant (et les autres). Ethan Hawke livre une composition intense et forte en prêtre tourmenté et bousculé dans ses convictions les plus intimes. Shrader utilise le format carré qui intensifie le côté très froid de la mise en scène, cependant bien adaptée aux sujets et à l’atmosphère. Des décors aseptisés, une colorimétrie volontairement terne, un accompagnement sonore discret et des plans fixes mais très travaillés rendent « Sur le chemin de la rédemption » très austère. Mais cela sert l’œuvre et le propos. La plupart du temps.
On a droit à une scène de rêverie ou hallucinée également comme dans les deux autres, mais qui s’avère peut-être la moins bonne des trois et dénote du reste. Comme si Shrader testait encore les possibilités de son projet. Quant à la fin, très sibylline, elle s’avère assez frustrante. La tension d’un final magistral retombant avec une conclusion au mieux mielleuse, au pire incompréhensible ou illogique. Les dialogues sont également très poussés et travaillés. On assiste même à de nombreux tunnels d’échanges verbeux rendant « Sur le chemin de la rédemption » par forcément très abordable malgré la puissance de ce dont on parle; ils sont donc le plus souvent passionnants. On s’accordera pour dire que le film est trop long et très plat, peut-être le plus plat des trois, mais pas le moins intéressant. La critique des puissances d’argent négligeant l’écologie et la présence de Dieu dans tout cela est vraiment originale et intéressante mais cela reste du cinéma ténu, pas forcément divertissant tout en étant pleinement assumé.
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