Les frères Dardenne sont reconnus pour être des réalisateurs du réel, des cinéastes sensibles qui parviennent à s'emparer d'une tranche de vie pour la transposer à l'écran. Deux jours, une nuit est un ouvrage cohérent avec l'esprit de leur filmographie. Il n'y a pas de scènes d'action dans ce film, pas de grands mouvements de caméras, pas de trame sonore épique ou de costumes remarquables, et même pas de dialogues épatants. Il n'y a qu'une femme désespérée qui veut retrouver sa dignité, et pourtant on en ressort bouleversé.
Cannes est un festival reconnu pour sélectionner des films d'auteurs languissants, souvent des drames, destinés à une élite intellectuelle. Comme Deux jours, une nuit figurait parmi les choix des jurés de la plus récente édition (aux côtés de Mommy), on aurait pu croire que l'oeuvre était hermétique et difficile, mais nous sommes heureux de découvrir que Cannes ne fait pas que dans l'imperméabilité. Le film est accessible par celui qui accepte sa sobriété et sa contenance.
Deux jours, une nuit arrive à témoigner de la puissance du cinéma à travers un film d'une simplicité déconcertante. Le long métrage dépeint l'histoire d'une femme qui a une fin de semaine pour convaincre ses collègues de la choisir elle plutôt qu'une prime de 1000 euros qu'ils recevraient si elle était licenciée. On suit Sandra comme on le fait avec un superhéros dans un film d'action de Marvel. Ce ne sont évidemment pas les mêmes émotions qui sont requises, mais l'intensité dramatique est équivalente et nous sommes impatients de connaître les résultantes de l'histoire.
Les ficelles de l'intrigue amènent une réflexion personnelle pertinente. Les personnages répètent : « Mets-toi à ma place », ce qui nous incite à pousser plus loin notre introspection, méditer sur nos propres valeurs et nos idéaux. Je choisirais l'argent ou je serais magnanime?
Les frères Dardenne possèdent aussi cette propension à la parcimonie. Ils ont compris qu'il est inutile de trop en révéler trop vite. Nous apprenons à connaître cette femme lentement, comme un étranger qui n'est pas invité dans son intimité (comme l'est généralement le spectateur de cinéma). Marion Cotillard est extraordinaire. Elle arrive, dès les premières minutes, à nous faire croire à son personnage. Elle fait preuve d'une sensibilité déroutante et d'une fragilité émouvante. C'est dans le dépouillement qu'elle excelle ici. Nul besoin d'une crise de larmes ou de panique pour faire valoir son talent, Cotillard parvient à bouleverser le spectateur en dormant sur le siège passager d'une voiture. Elle nous livre ici une performance mémorable dont on se souviendra longtemps. Ceux qui incarnent ses collègues - aux réactions et aux caractères opposés - sont aussi justes et touchants dans leur jeu.
Deux jours, une nuit ébrale par son humanité et honnêteté. Il a tout du film vibrant qui traverse les époques et transporte les âmes avec lui.