Il y a de ces parcelles importantes de l'histoire américaine qu'on ignore aujourd'hui, à moins d'avoir étudié le sujet ou d'avoir vécu ce moment en temps réel. Les évènements décrits dans le film Detroit font partie de ces épisodes noirs (sans jeu de mots) et méconnus de l'histoire des États-Unis des années 60.
En 1967, des policiers blancs ont pris d'assaut le motel Algiers puis ont battu et même tuer des clients afro-américains, prétextant qu'ils étaient responsables d'une fusillade survenue plus tôt.
La principale force de Detroit se trouve dans son réalisme sidérant. Le spectateur a la chair de poule du début à la fin due à cette amorale séquestration. Bien que la situation décrite se soit déroulée il y a plus de 50 ans, elle nous paraît tristement récente. Il est impossible, à la suite du visionnement et au vu et au su des récents évènements, de ne pas nous faire la réflexion suivante : « n'avons-nous rien appris? Est-ce que vivre ensemble et en harmonie est un concept si insensé? »
La caméra de Kathryn Bigelow semble cachée dans l'ombre de l'horreur, comme si nous avions un regard privilégié sur une situation que nous n'aurions jamais dû voir. Chevrotante et indiscrète, elle nous plonge dans un monde d'inégalités et de haine qui nous force parfois à détourner le regard et nous remplit de honte.
Algee Smith, qui incarne l'une des principales victimes de cette prise d'otage d'innocents par les forces de l'ordre, émeut par l'intensité de son jeu. Le spectateur est amené à suivre son histoire du début à la fin, de sa prestation manquée sur une scène mythique jusqu'au procès injuste des policiers véreux. John Boyega interprète, pour sa part, un agent de sécurité qui se fait l'allié des policiers blancs et qui se retrouve coincé entre ses pairs et la loi. Ce dernier s'avère particulièrement convaincant dans ce rôle complexe. Will Poulter a quant à lui la tâche ingrate de personnifier le policier Krauss, principal responsable de cette scène d'horreur.
Detroit, bien que d'une intensité sans précédent, souffre de sa durée excessive. Au moins trente minutes auraient pu être retranchées pour accentuer la tension dramatique de l'oeuvre. On aurait pu ne pas s'étendre autant sur le procès des assassins, malgré le fait que le verdict inadmissible de la cour ait une influence sur notre perception de l'ensemble de la production. Conserver l'attention du public si longtemps est un défi que Detroit n'accomplit pas entièrement.
Reste que le film construit une réflexion importante et nécessaire. Quand le cinéma articule une remise en question avec autant d'acuité, on ne peut que saluer le talent et l'audace. Celle qui a remporté un Oscar en 2010 pour son film The Hurt Locker, prouve une fois de plus la nécessité d'un septième art engagé.