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Tristesse et désespoir.
Avec ce nouvel opus, le plus social des cinéastes anglais nous offre un film presque jumeau à son précédent, « Moi, Daniel Blake », qui avait reçu la Palme d’or il y a trois ans. On pourrait dire même complémentaire si on voit le verre à moitié plein mais inutile si l’on voit le verre à moitié vide. En effet, avec « Désolé de vous avoir manqué », il présente à nouveau la vie de personnes désœuvrées et broyées par le capitalisme économique sauvage dans lequel sont noyées nos sociétés contemporaines. Fidèle à son œuvre et ses convictions, on ne peut s’empêcher de ressentir une forme de redondance ici, comme si Loach avait fait le tour de la question et qu’il en était réduit à radoter son propos. Il traite ici néanmoins cette misère sociale par le prisme de l’uberisation galopante du travail. Le premier tiers, comme une espèce de documentaire sur le sujet, nous montre cela de manière scolaire et pas forcément très captivante, au point de procurer un ennui poli. On est dans une cuvée mineure du réalisateur octogénaire anglais, c’est sûr, mais pas inintéressante pour autant.
En effet, plus le film avance, plus le savoir-faire du cinéaste permet de rendre « Désolé de vous avoir manqué » plus probant et nécessaire. On pourra regretter que le script qu’il a écrit avec son complice de toujours, Paul Laverty, pêche par excès de misérabilisme. Noir c’est noir et rien ne sera épargné à cette famille qui tente de survivre. On est dans un engrenage du malheur et un dolorisme appuyé destiné à corroborer voire marteler le message et ça peut ne pas plaire. C’est parfois comme si Loach n’avait pas confiance en son histoire et qu’il fallait enfoncer le clou de son propos de manière encore plus extrême. D’ailleurs, il clôt son film de manière ultra pessimiste sans aucun espoir de lumière et de façon excessivement abrupte. Il n’empêche, il y a assez de moments édifiants dans ce long-métrage comme de séquences qui retournent le cœur, non sans un certain pathos, pour être relativement conquis. Et cette rage inébranlable pour défendre les injustices sociales et des idéaux considérés comme justes fait que l’on ne peut taxer « Désolé de vous avoir manqué » de ne pas être fidèle à sa proposition artistique et sociétale.
On est donc dans du Ken Loach pur jus, qui ne surprend pas, mais qui touche à son but : éveiller les consciences face au capitalisme sauvage, à la nouvelle aliénation de l’homme par le travail. Son film a beau être programmatique, il n’en demeure pas moins profondément humaniste et juste, que ce soit dans la description de ces nouvelles formes de travail que celle d’une famille de petites gens aux abois par faute d’argent. Les problèmes d’adolescence du fils de la famille alourdissent encore ce qui peut apparaître comme du chantage à l’émotion mais le talent du cinéaste pour croquer ce portrait de famille et créer des moments tragiques si déchirants est intact. Et quelle direction d’acteurs! Encore une fois bardé de comédiens presque tous non professionnels, il leur fait ressortir le meilleur d’eux-mêmes. On se souviendra longtemps de ces disputes familiales intenses comme de ces courts moments de bonheur simple et de leur incroyable justesse de ton. A l’opposé de ce spectre, une séquence qui fait froid dans le dos voit le patron de la société de livraison où est employé le patriarche expliquer de manière totalement déshumanisée comment l’absence d’affects fait marcher son affaire. On sort de là en larmes, déprimés par la façon dont tourne le monde mais sensiblement plus éclairés et empathiques. Même presque avoir la sensation d’avoir finalement aimé et adhéré.
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