L'acteur Jalil Lespert retrouve « son » acteur Benoît Magimel dans Des vents contraires, un deuxième long métrage pour le jeune réalisateur après 24 mesures, sorti en 2008. Ce premier film, frustrant et brouillon, démontrait les limites de l'acteur devenu réalisateur comme directeur d'acteur et était basé sur un scénario inconséquent. On constate immédiatement l'assurance renouvelée du réalisateur qui a resserré sa direction d'acteur et qui a raffermi son style. Soit, mais c'est bien peu et pratiquement insuffisant.
Dans Des vents contraires, la femme d'un écrivain en manque d'inspiration disparaît subitement après une dispute conjugale. Des mois plus tard, toujours sans nouvelle et blanchit par la police, il déménage avec ses enfants à Saint-Malo, dans la maison familiale, où il compte refaire sa vie. À partir de là, les (fausses) pistes se multiplient : drame d'enquête ou d'absence? drame social ou thriller? On ne sait pas trop, et on dirait que Lespert non plus.
Après une introduction toute en ellipses assez déstabilisante, on est certainement « accroché » à l'univers de ce film inhabituel (ce qui ne revient pas à dire qu'on est convaincu). Malheureusement, l'effet stylistique (devenu effet narratif) se perd alors que le personnage et ses deux enfants déménagent à Saint-Malo. Retour donc à une narration plus traditionnelle où des péripéties en enclenchent d'autres jusqu'à un dénouement qui laisse perplexe. « Démuni » serait sans doute le mot juste : on est sans outils pour entrer dans l'univers du film, même après 80 minutes. On remarque soudainement les contours de l'écran, le mécanisme de « projection »; raté, on n'y est pas avec eux.
Il y a une raison à cela : les péripéties, qui ont la grande qualité d'être imprévisibles, mais le grand défaut d'être incohérentes (l'un et l'autre vont souvent ensemble, vous avez remarqué?), sont causées par un personnage complètement perdu qui prend plusieurs mauvaises décisions. Des décisions qu'on ne s'explique pas, qu'on peine à justifier. Plusieurs, même. Cela alourdit grandement le déroulement de l'histoire puisque le personnage devient la cause de son propre malheur et qu'on a de ce fait bien moins d'empathie pour lui. Il est très chanceux de si bien s'en tirer; au niveau narratif, cependant, c'est comme si le film abandonnait toutes ses hypothèses.
La seule explication possible à cette apaisante finale, à laquelle on n'a d'autre choix que de supposer une ironie intrinsèque tellement elle tient du conte de fées, est la fabulation, le rêve. Mais que valent donc les émotions que l'on a tenté de ressentir? Qu'en reste-t-il? Qu'un brouillard inégal de bonnes et de mauvaises idées bien et mal appliquées. Mais ce film ne va apparemment pas au bout de son potentiel.