D'une manière très particulière, Dehors Serge Dehors fait doublement oeuvre utile. D'abord, en offrant un portrait intimiste de l'impact que peut avoir la détresse psychologique d'un individu sur ses proches. Ensuite, en parvenant, par la démarche qu'il met en images, à venir en aide à son sujet.
Avec leur plus récent long métrage, les réalisateurs Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe ont d'abord voulu répondre à une question à laquelle le public demeurait sans réponse : qu'est-il advenu de Serge Thériault? Après avoir interprété plusieurs personnages marquants au petit comme au grand écran, le comédien a soudainement disparu de l'espace public.
En espérant pouvoir aller à la rencontre du principal intéressé, les deux cinéastes ont fait la connaissance de sa conjointe Anna, qui les a aussitôt informés que l'acteur n'était pas sorti de sa demeure depuis maintenant six ans, en raison d'une grave dépression.
Depuis, Anna, sa fille Mélina et un couple de voisins, Robert et Jolande, tentent tant bien que mal de l'aider à trouver la force nécessaire en lui pour retrouver une vie normale. Le tout en se soutenant les uns les autres pour trouver un peu de réconfort au coeur d'un quotidien de plus en plus fragile. Car malgré toute la bonne volonté qu'une personne puisse avoir, il faut que celle qui souffre le plus de cette situation veuille faire son bout de chemin avant que les autres puissent lui venir en aide.
Une notion que le film met en place dès les premiers instants, tandis qu'Anna adresse quelques mots à son conjoint par l'entremise de la caméra, lui disant que les images qui vont suivre vont probablement lui faire mal, mais que toutes les personnes impliquées ne veulent que son bien. Et c'est entre cette bienveillance et les limites physiques et psychologiques d'un individu cherchant désespérément à en aider un autre que le documentaire tire toute sa puissance dramatique.
Aperçu de manière furtive à travers un enregistrement, et entendu que très brièvement au cours de ces 67 minutes, la présence de Serge Thériault se fait néanmoins sentir dans chaque image du film. On l'entend marcher au-dessus de l'appartement de ses voisins, discuter en dehors du cadre avec Robert, jouer de la guitare, répondre au téléphone...
Les deux réalisateurs ancrent d'ailleurs fermement leur caméra dans l'appartement de Robert et Jolande, nous permettant jusqu'à un certain point de nous frotter aux contraintes et aux limitations faisant désormais partie de la réalité de leur sujet.
En privilégiant unilatéralement le point de vue de l'homme et des femmes qu'il met en scène, Dehors Serge Dehors aborde de manière aussi pertinente que déchirante les conséquences que de tels troubles de santé mentale peuvent avoir sur l'entourage de la personne qui les vit de l'intérieur.
Le documentaire s'intéresse, certes, à un cas bien précis, mais se sert habilement de la notoriété et de l'amour du public pour Serge Thériault pour susciter de l'empathie chez le spectateur, et l'amener à se pencher sur cette problématique de façon beaucoup plus large.
Malgré les vies chamboulées et mises sur pause pour une durée indéterminée, c'est à la persévérance et à la différence que peut faire la plus petite attention dans la vie d'autrui auxquelles le film rend hommage.
Nous devrons probablement nous armer de patience avant de savoir quel impact le projet a réellement eu sur le comédien. Chose certaine, Fournier et Latulippe ont su se manifester - un peu par hasard - à un moment charnière. Entre l'espoir qui s'effrite de plus en plus, et la soudaine apparition de signes laissant présager un « retour à la vie ».