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Parodie qui s'ignore.
Il y a deux manières de visionner « Eaux profondes ». La première est de le regarder au premier degré (et ce serait une erreur). Dans ce cas de figure, on trouvera certainement ce suspense marital désuet et comme sorti d’une époque révolue, voire kitsch et ridicule. On s’offusquera des rapports étranges qu’entretient ce couple bourgeois tout comme de certaines scènes improbables et involontairement drôles (la poursuite en VTT!). On se dira que l’intrigue n’a pas de sens tout comme la psychologie des personnages. Quant à la teneur sexuelle du film, vendu comme un thriller érotique, on pensera non sans moquerie qu’Adrien Lyne a dû hiberner dans une grotte durant vingt ans s’il croit que son film contient ne serait-ce qu’une once de tension sexuelle. En effet, il nous offre un long-métrage qui ne titillera pas la fibre coquine de grand monde. Enfin, on sera probablement frustré par une fin en queue de poisson qui se place comme la cerise sur le gâteau de la bêtise. Bref, on ne passera pas un bon moment.
Mais il y a aussi une autre façon de voir « Eaux profondes », bien plus jubilatoire. On ne saura jamais si c’était l’intention première du cinéaste et on lui laisse d’ailleurs le bénéfice du doute. Prendre « Eaux profondes » au second, troisième ou X ième degré est un petit plaisir coupable comme on en voit peu. Les rapports masochistes entre cette nymphomane imprévisible et ce psychopathe occasionnel et taiseux prêtent à rire. La façon dont est représenté leur mode de vie bourgeois entre fête et hédonisme caricatural également. Ben Affleck qui peut être bon lorsqu’il est bien dirigé (comme dans le récent « Tender bar » de George Clooney) est ici aussi expressif qu’un mollusque mais on peut lui accorder que c’est aussi le rôle qui veut cela. Ana de Armas fait quant à elle exploser son potentiel sensuel et cela lui va à merveille mais la qualité du film ne le lui rend pas. Les scènes improbables se suivent et ne se ressemblent pas et font lorgner le film entre un épisode de « Hollywood Night » et le téléfilm de seconde partie de soirée sur M6 le dimanche soir, en mode luxe et prestige. Pour ce qui est de l’intrigue, c’est un n’importe quoi à la fois imprévisible et amusant.
Adrian Lyne, spécialiste de ce type de suspense dans les années 80 et 90 n’avait pas tourné depuis « Infidèle » il y a vingt ans. Et bien on dirait qu’il a voulu faire un remake en forme de best of de tous les films qu’il a pu tourner à sa grande époque. Mais sans assimiler les changements profonds que l’industrie du cinéma a vécu sur le fond comme sur la forme depuis cette période. « Eaux profondes » peut donc se voir comme une œuvre complètement périmée et ratée mais aussi comme un hommage presque parodique à un genre disparu. L’image glacée, le contexte de La Nouvelle-Orléans et les mini rebondissements incessants amuseront si on est d’humeur moqueuse. En revanche, si l’on recherche un vrai thriller domestique bien huilé et réaliste au suspense à couper le souffle mieux vaut revoir le « Gone Girl » de David Lynch...
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