Dédé avait un prénom que tout le monde se croyait en droit d'utiliser sans le connaître. On ne vouvoie pas un homme aussi authentique. Il avait aussi un style, une musique, une poésie. Il a maintenant un film qui le célèbre, entre vision d'auteur et populaire, digne à ce titre des meilleures biopics hollywoodiens. Il en a donc les principaux défauts et les plus belles qualités. Bien sûr, plus on a connu le chanteur de son vivant, plus on connaît sa musique, plus on risque d'être touché par les vaillants efforts mis en branle par le réalisateur Jean-Philippe Duval et le comédien Sébastien Ricard - les deux principaux responsables du succès de ce film - pour que Dédé à travers les brumes soit un film à la hauteur de l'homme et des attentes qui étaient, il faut le dire, immenses.
André « Dédé » Fortin essaie de terminer l'album qui deviendra Dehors Novembre dans un chalet loin de la ville, avec ses musiciens qui s'impatientent. Depuis son arrivée à Montréal, l'étudiant en cinéma a connu la gloire avec les Colocs. Mais l'échec référendaire et ses relations tumultueuses avec les femmes l'auront profondément marqué, tout comme la mort de son complice Patrick Esposito, et Dédé sombre petit à petit dans la dépression qui mènera à son suicide, en mai 2000.
Parce que Duval se permet quelques folies, que ce soit la magnifique animation sur Belzébuth ou l'arrivée de Dédé à Montréal, sans s'éloigner pour autant d'une trame narrative plus classique qui a des hauts, des bas, des réussites et des échecs, son film s'adresse autant aux néophytes qu'aux passionnés. Quelques coïncidences inévitables sont de petits accrocs à une reconstitution pourtant vibrante d'une époque pas si éloignée (voire trop près?). Les reconstitutions de spectacles sont très réussies grâce à la dévotion de Sébastien Ricard envers un personnage qui entretenait avec son public une relation d'amour-haine.
Sébastien Ricard est un acteur charismatique et talentueux, et il incarne un Dédé Fortin plus vrai que vrai, dédié et passionné. Et le film cerne très bien ces passions, sine qua non d'un portrait réussi. Parce que Dédé à travers les brumes est un film réussi, cela ne fait aucun doute, même s'il est un peu longuet par moments.
Il n'a cependant pas que des qualités : les personnages féminins sont malheureusement sous-exploités, pas plus utiles que des vulgaires tapisseries, malgré l'importance qu'elles semblent avoir eu dans la vie de Dédé. La plupart des personnages secondaires sont d'ailleurs dessinés à gros traits, que ce soit les musiciens et leurs dépendances ou un gérant malotru.
Reste que les mélodies, arrangées avec respect par Éloi Painchaud et réinterprétées par Ricard, baignent dans ce film avec autant d'humanité qu'on pouvait l'espérer sans faire du film une oeuvre passéiste teintée de regrets. Car, comme avec tous les portraits, c'est d'un homme (mort la plupart du temps) dont il s'agit, et comme avec tous les portraits réussis, cet homme était imparfait, parfois désagréable, mais toujours entier et honnête. Le film dédié à Dédé Fortin lui ressemble beaucoup.
Dédé avait un prénom que tout le monde se croyait en droit d'utiliser sans le connaître. On ne vouvoie pas un homme aussi authentique. Il avait aussi un style, une musique, une poésie. Il a maintenant un film qui le célèbre, entre vision d'auteur et populaire, digne à ce titre des meilleurs biopics hollywoodiens. Il en a donc les principaux défauts et les plus belles qualités