La pomme ne tombe jamais loin de l'arbre. L'expression est parfaite pour décrire la carrière de Brandon Cronenberg, qui à l'instar de son célèbre patriarche, traite de la condition humaine en naviguant dans les eaux glacées de l'aliénation et de la science-fiction.
Après son décevant Antiviral et son déroutant Possessor, le voici de retour avec Infinity Pool, un intriguant long métrage qui se déroule dans une station balnéaire fictive. Les vacances tournent au cauchemar pour un couple (Alexander Skarsgard et Cleopatra Coleman) après un délit de fuite mortel. Mais comme madame provient d'un milieu riche, les amoureux peuvent passer un accord afin d'éviter l'exécution. Un pacte qui aura de sérieuses répercussions sur l'avenir de monsieur qui cherchait seulement à se ressourcer comme romancier...
Les enjeux de ce suspense malsain ne sont guère éloignés de Triangle of Sadness et autres The Menu. Il s'agit d'une satire cynique, acidulée et nihiliste sur les puissants de ce monde qui se croient tout permis avec leur argent. Le duo fait la rencontre d'une mystérieuse jeune femme (Mia Goth) et de son groupe d'amis et la situation ne tarde pas à s'envenimer. Évidemment, le film est à prendre au second degré tant l'humour noir mène le bal.
Le tout est croisé avec un récit dystopique qui pose des questions sur la longévité et le clonage, utilisant la technologie et le corps humain (bonjour David Cronenberg!) à des fins surprenantes. Une réflexion qui demeure tout de même ténue, prenant la forme d'une métaphore sur le ressourcement de l'être humain qui se permet toutes les folies - même les plus extrêmes - avant de se trouver réellement. À force d'essayer tous les masques à sa disposition, il en restera bien un pour dévoiler sa véritable identité.
Plus le long métrage avance et plus il devient un simple prétexte à une accumulation de scènes violentes et sexuelles sous fond de psychotropes. La production est classée 16 ans et plus et ce n'est pas un hasard. Ici, Gaspar Noé semble reprendre Mandy. Là, c'est Alejandro Jodorowsky qui offre une variation de Salo ou les 120 journées de Sodome. Avant que Michael Haneke ne s'essaye à A Clockwork Orange. Brandon Cronenberg semble encore dans l'adolescence et il cherche à déranger et à provoquer, à susciter des émotions fortes. Il y arrive plus souvent qu'autrement même si sa démarche manque parfois de subtilité et de sincérité. Peut-être qu'un jour, il pourra se comparer à Sion Sono ou à son père.
En attendant, il s'améliore de projet en projet, délaissant son scénario embryonnaire pour charger constamment la vue et les oreilles avec sa mise en scène exubérante. La première séquence du film annonce rapidement les couleurs de l'entreprise, tournant sens dessus dessous le quotidien. Chez lui, la réalisation est tonitruante et esthétisante, toujours très palpable. La photographie froide et glacée, signée Karim Hussain, semble ankyloser les personnages. Au même titre que la pénétrante bande sonore de l'excellent artiste électronique Tim Hecker.
Les acteurs se prêtent corps et âme au jeu. Particulièrement Alexander Skarsgard qui souffre si bien à l'écran, faisant écho à sa participation au mésestimé The Northman. Puis il y a la nouvelle reine de l'horreur Mia Goth qui, loin de la nuance de X et Pearl, en fait des tonnes avec bonheur. Le reste de la distribution hétéroclite multiplie les vraies gueules de cinéma, de Thomas Kretschmann à Jalil Lespert.
Infinity Pool relève peut-être du simple exercice de style, mais il est suffisamment amusant, déstabilisant et outrancier pour que les cinéphiles les plus tordus y plongent tête première. Ce qu'ils trouveront dépasse l'entendement, pour le meilleur comme pour le pire.