Le film musical n'a pas chanté sa dernière note. Après le rafraîchissant In the Heights et en attendant le remake de West Side Story de Steven Spielberg, c'est au tour de Dear Evan Hansen de pousser la mélodie avec des résultats qui ne séduiront toutefois pas toutes les oreilles.
Cette adaptation d'une pièce à succès rappelle qu'un mensonge peut faire du bien... mais à condition de ne pas l'étirer inutilement et surtout pas sur près de 140 longues et répétitives minutes. Ce que n'a décidément pas compris Evan Hansen (Ben Platt) qui, lors du suicide d'un camarade de classe, décide de se faire passer pour son meilleur ami auprès de ses parents. Une fausse bonne idée qui aura de douloureuses répercussions.
À l'image de ce long métrage qui semble constamment se chercher, oscillant entre la comédie adolescente et le mélo à Kleenex. L'émotion finit par guider le récit d'initiation, n'ayant toutefois pas la latitude nécessaire pour exploser correctement. Lorsqu'elle est sur le point d'y parvenir, une chanson se fait entendre, atténuant l'impact et les sentiments sous-jacents. Quand le dosage est au point, cela peut donner des opus inestimables qui chavirent le coeur, tels Les parapluies de Cherbourg ou Les chansons d'amour. Ce qui n'est malheureusement pas le cas ici.
Si au moins les mélodies étaient accrocheuses ou de qualité. Les compositeurs Benj Pasek et Justin Paul avaient frappé fort avec le somptueux La La Land, multipliant les vers d'oreille presque à l'infini. Rien de tout ça maintenant tant les airs sont kitschs et sucrés, appuyant constamment les morales et les bons sentiments. Les thèmes - santé mentale, solitude, famille qui implose - sont déjà lourds, pourquoi les rendre encore plus pesants?
La fadeur de la mise en scène empêche également la magie d'opérer plus qu'à un ou deux endroits. Spécialiste des drames lacrymaux de qualité (Wonder et surtout The Perks of Being a Wallflower), Stephen Chbosky semble dépassé par les événements. Il n'a pas écrit le scénario et cela transparaît dans sa réalisation chancelante, n'arrivant que rarement à tirer profit des chorégraphies.
Le comble est cependant la partition de Ben Platt. Il devait être très à l'aise sur scène en 2015. Sauf qu'en 2021, à l'âge de 27 ans, personne ne pourra le trouver crédible dans la peau du héros adolescent. Sa dégaine rappelle un croisement entre Jesse Eisenberg et Art Garfunkel... sans le talent d'acteur du premier et de chanteur du second.
Au moins, il ne gâche pas les interprètes qui gravitent autour de lui. Les excellentes Kaitlyn Dever (Booksmart) et Amandla Stenberg (The Hate U Give) amènent finesse et conviction à des rôles plus ou moins bien définis, alors que Amy Adams et Julianne Moore déclament le sonnet à fond pour susciter larmes et réactions.
Manipulateur au possible, Dear Evan Hansen est une cantate franchement inégale, naïve et simpliste, qui frise le ridicule à bien des endroits et qui est difficile à prendre au sérieux. Mieux vaut en rire qu'en pleurer, fredonner pour l'oublier le plus rapidement possible.