La filmographie de François Ozon se démarque par l'intelligence de son propos, et ce malgré une grande variété de tons, de contextes et de genres cinématographiques. Avec Dans la maison, il propose un film bourré de clins d'oeil et doté d'une grande conscience de lui-même, multipliant les exposés théoriques et pédagogiques sur l'art séculaire de la narration, tout en maintenant un suspense prenant. Une mise en abyme particulièrement maîtrisée. Maniant efficacement l'ironie, tout en théorisant sur le sujet, le cinéaste semble véritablement en pleine possession de ses moyens, d'autant qu'il signe aussi le scénario solide de Dans la maison.
Il est donc d'autant plus regrettable que la deuxième partie du film ne soit pas à la hauteur des promesses de l'amorce de ce récit fascinant. Répétitions, longueurs, fausses pistes où la théorie est moins bien appliquée, comme un devoir bâclé, prennent donc le pas si la finesse et l'intelligence du discours. Dans le cadre d'un suspense si prenant, le dénouement - une sorte de récompense - est primordial, et celui proposé ici n'est pas suffisant. Heureusement, la conclusion réconcilie avec le concept de voyeurisme artistique que propose le film et nous laisse sur une réflexion engageante.
Autrement, Fabrice Luchini fait avec la même truculence que d'habitude ce numéro qui fait de lui l'une des plus grandes vedettes du cinéma français. Il le fait ici sous la direction d'un excellent directeur d'acteur, Ozon, qui maîtrise ici parfaitement sa distribution. Le jeune Ernst Umhauer a beaucoup attiré l'attention avec son interprétation sentie et mature, et s'il est effectivement excellent, c'est aussi le cas de l'ensemble des acteurs. Il faut dire qu'ils ont - c'est normal dans le cadre d'un film qui en est si près - de magnifiques personnages à interpréter, le réalisateur sachant pertinemment que toute la plausibilité de son récit tient à la crédibilité de ceux-ci.
Ozon est en contrôle. C'est un cinéaste mature et expérimenté qui a apparemment une pleine confiance en ses moyens, et cela transparaît dans sa réalisation, dans sa capacité à ne pas trop en faire, à laisser l'histoire se raconter. C'est d'autant plus à propos dans une histoire qui raconte une histoire, dans un film intermédiatique qui aborde justement le sujet du récit. Or, Dans la maison aborde aussi de front la question de la conclusion, de la finale, discourt même sur le sujet à travers les leçons de M. Germain, mais tombe bêtement dans le piège qu'il s'est lui-même tendu.
Au final, Dans la maison est un long métrage de qualité rendant justice au talent de ses artisans, en plus de discourir avec une passion évidente sur l'Art, le processus de création et de réception (indissociable de l'expression artistique) et la création. Heureusement, il n'est pas nécessaire d'adhérer entièrement à son postulat pour en apprécier la finesse dramatique et le suspense, mais voilà tout de même une plus-value digne de François Ozon.