Bien qu'on aime Clint Eastwood d'amour, il est plutôt difficile de s'attarder longuement à Cry Macho, qui demeure un de ses films les plus quelconques en carrière.
À 91 ans, Clint Eastwood n'a plus rien à prouver à personne. Il a campé quelques-uns des personnages les plus légendaires du septième art, en plus de réaliser plusieurs oeuvres qui ont marqué leur époque. Le voir continuer à tourner devant et derrière la caméra relève de l'exploit. Personne ne peut l'arrêter, même la pandémie.
Avec Cry Macho, il renoue avec un long métrage qu'il aurait pu faire à la fin des années 80. Peut-être avait-il besoin d'un surplus d'expérience et de rides pour incarner cet homme à l'hiver de sa vie qui décide de partir à la recherche du fils d'un ami qui a disparu au Mexique. Cela ne lui prend pas trop de temps avant de retrouver l'adolescent, mais le ramener au Texas sera une toute autre histoire...
Deux histoires se déroulent en parallèle de ce road movie doublé d'un néo western crépusculaire. Il y a le récit scénarisé maladroitement par Nick Schenk (qui avait fait mieux sur The Mule et surtout l'immense Gran Torino) à partir du roman de N. Richard Nash, qui cumule les lieux communs, les personnages unidimensionnels et les dialogues navrants. Peut-être est-ce la faute des personnages secondaires peu crédibles ou de la mise en scène sans attrait, mais l'intrigue s'enlise dans une torpeur qui lui est rapidement fatale.
Il y a pourtant un désir d'explorer des thèmes importants comme la masculinité et la vieillesse. Eastwood en est le symbole par excellence, ayant défendu nombre de cowboys solitaires et de flics bourrus. Pensons seulement à l'Homme sans nom ou Dirty Harry. Sauf que la réflexion tourne court tant les idées exprimées sont fades, lisses et superficielles. L'époque était la bonne pour pourfendre le machisme latent et remettre les pendules à l'heure, alors que la démonstration à l'écran se veut plus souvent qu'autrement rétrograde.
Un peu plus de substance et un peu moins d'humour niais pour enfant n'auraient sans doute pas fait de tort. Est-ce qu'on voulait réellement voir Eastwood s'engueuler avec un coq? Il finit d'ailleurs par obtenir une scène avec presque tous les animaux de la ferme, ce que soit un cochon, un chien et un cheval. Cette dernière permet l'apparition d'une métaphore simpliste entre deux êtres fatigués qui n'ont pas dit leur dernier mot.
Tout cela n'est pas très intéressant. Ce qui l'est davantage est le second film qui se trouve en filigrane. Le sujet n'est plus la quête du fils mais Eastwood lui-même. Son aura transcende tout, alors que sa carrière s'imprime directement à l'image. Il y a le western, évidemment, qui ne peut que renvoyer à ses premiers faits d'armes et l'inoubliable Unforgiven. Mais également le désir de rédemption, de réparer le passé, de retrouver l'amour et la famille, d'être un modèle de filiation pour les autres générations. L'émotion se joue ainsi sur le corps du charismatique comédien, frêle et cambré, qui a tout vu et vécu, et dont le pouvoir d'évocation permet presque d'apprécier cet effort gauche et rudimentaire. Mais rien ne dit qu'il s'agit bel et bien de son chant du cygne. Tant qu'il a l'énergie, on peut toujours compter sur papy pour surprendre.