Même si certains en rougissent, Cruising Bar est un phénomène de société. Sans doute parce qu'à l'époque de sa sortie, en 1989, les films québécois n'obtenaient pas autant de succès populaire qu'aujourd'hui - un succès tout relatif, bien sûr. Les mésaventures de Gérard, Patrice, Serge et Jean-Jacques font désormais partie de la culture collective, on en a même tiré quelques citations pour les intégrer à l'usage courant. Difficile de deviner ce qui a pu tant plaire dans leurs mésaventures, sinon le fait qu'ils soient tous incarnés par Michel Côté avec une véracité surprenante. La caricature de l'homme québécois moyen (quatre fois plutôt qu'une), visait probablement dans le mille, qui sait, et la question sera de savoir si les choses ont beaucoup changé depuis dix-neuf ans. A priori, on pourrait croire que non.
Cruising Bar 2 est tellement près de son prédécesseur qu'on pourrait lui apposer les mêmes qualificatifs : souvent prévisible, parfois même redondant. On admet bien un sourire insistant, même quelques rires francs, sauf que depuis le temps qu'on montre des comédies au grand écran, si un examen de la prostate était drôle, si un homme sous des haltères trop lourdes pour lui était drôle, si même perdre sa perruque était drôle, on le saurait.
Les qualités cinématographiques de Cruising Bar 2 sont minimales; le montage « punché » limite l'implication du spectateur à la réaction seulement. Difficile donc d'être ému, ou même touché, par les efforts de Gérard pour reconquérir sa Gertrude, par la quête d'une identité sexuelle du pauvre Jean-Jacques, par le timide Serge qui devra nécessairement finir avec une femme aussi timide que lui (on ne pourrait pas lui trouver un pétard, quelque chose?). Ce qui sauve le film, encore une fois, c'est le sens comique de Michel Côté, à l'aise dans chacun des quatre rôles qu'il doit défendre (contre des vents de critiques et des marées de préjugés). Il y prend un plaisir surprenant qu'il partage parfois, renforçant une ou deux surprenantes répliques de son sens du timing légendaire. D'un sketch à l'autre, les moments de véritable rencontre avec les autres comédiens se font rare.
Est-il vrai de dire que l'homme québécois n'a pas changé depuis vingt ans? Peut-être. Infidèle, maladroit, timide, on veut bien le croire. Mais est-ce que le public a changé, lui, en vingt ans? Il en a vu d'autres, des comédies, souvent plus ingénieuses (le clin d'oeil va aux États-Unis à la gang de Judd Apatow), plus jeunes et dynamiques. Ce qui fait de Cruising Bar 2 un film de nostalgiques qui ne vaudrait rien si ce n'était des quatre personnages qui ont attiré la sympathie il y a deux décennies et de qui on s'inquiète. Dans n'importe quel autre contexte, les blagues de Cruising Bar 2 seraient des maladresses, mais parce qu'on aime bien se faire raconter des histoires, on veut savoir ce qui va arriver avec les quatre tarlas qui forment le spectre de la masculinité québécoise. Ils sont fidèles à eux-mêmes, comment le leur reprocher?
Cruising Bar 2 est exactement là où on l'attend. Cela devrait déjà donner une bonne idée de si on appréciera ou pas. Mais la vraie question, telle que posée par les experts en la matière de la télévision publique, celle qu'il faut absolument poser sous peine de mort - la comédie, c'est sérieux! - serait plutôt : est-ce que c'est drôle parce que quelqu'un rit?
Cruising Bar 2 est exactement là où on l'attend. Cela devrait déjà donner une bonne idée de si on appréciera ou pas. Mais la vraie question, telle que posée par les experts en la matière de la télévision publique, celle qu'il faut absolument poser sous peine de mort – la comédie, c'est sérieux! - est plutôt : est-ce que c'est drôle parce que quelqu'un rit?