La sortie d'un nouveau long métrage du mythique studio Aardman est toujours un événement. Quiconque aime de près ou de loin les dessins animés ne peut qu'être aux anges devant Wallace & Gromit, Chicken Run et Shaun the Sheep. Leur dernier-né, Early Man (ou Cro Man), n'est toutefois pas du même calibre. Si l'on retrouve toujours une animation image par image et des personnages en pâte à modeler, il ne faut pas s'attendre à la même magie que ses prédécesseurs.
Le scénario parfois laborieux est la principale raison de cette relative déconfiture. Le script multiplie les clichés dans sa façon de se moquer beaucoup trop gentiment de la préhistoire, des envahisseurs qui ne pensent qu'à piller les ressources, de la société britannique et de leur fascination pour le foot (soccer). Le rythme aurait pu être plus affûté, les moments forts sont peu nombreux et on se surprend davantage à sourire qu'à rire. Comme si le studio, en visant le plus grand dénominateur commun (surtout de ce côté de l'Atlantique), a laissé au rancard sa propre marque de commerce qui fait toute la différence. On se croit trop souvent devant une variation d'Astérix & Obélix.
Au lieu d'être un nouveau classique du genre, le long métrage demeure «seulement» divertissant, ce qui est déjà fort honorable. Les nombreux stéréotypes en place sont détournés au profit de moments rigolos, dont les liens sont palpables avec le monde d'aujourd'hui. Oh, un clin d'oeil aux Monthy Python, un autre à Spartacus, et quelle idée lumineuse de créer l'esprit d'équipe comme dans les Mighty Duck! Sans doute que les leçons de morale ne sont jamais bien loin, sauf qu'il ne faut pas oublier que cette production s'adresse aux petits comme aux grands. Les premiers raffoleront des animaux (le lapin malin, le sanglier domestiqué), alors que les seconds en auront surtout pour les jeux de mots, qui touchent principalement la cible dans la dernière partie.
Ce que le film perd en originalité, il le compense allègrement en charme. Il est plutôt difficile de résister aux personnages attendrissants, dont les contributions vocales s'avèrent exemplaires (dans la version originale, on retrouve les voix d'Eddie Redmayne, Tom Hiddleston et Timothy Spall). Les gentils et les méchants ont tous leur personnalité propre, bien que ces derniers sortent rarement des sentiers battus. Leurs bouilles sympathiques bénéficient d'un travail soigné de l'animation, pas nécessairement révolutionnaire, mais qui regorge de couleurs et de détails.
C'est justement là où se joue Early Man. Alors qu'en apparence, le long métrage raconte l'histoire éculée du triomphe de David sur Goliath, l'intérêt réside ailleurs. L'adage dit que le diable est dans les détails et c'est d'autant plus vrai ici. Ce n'est pas tant l'ensemble qui est séduisant que chaque petit segment séparé. Ces derniers sont peut-être inégaux, il y a suffisamment de séquences réussies pour captiver toute la famille. Cela ne prend parfois qu'une chanson bien placée de Kaiser Chiefs ou des reprises vidéo d'un match sportif.