Surprise! Creed III arrive à relancer une franchise moribonde et à la rendre à nouveau divertissante grâce à son magnifique antagoniste.
Dérivé de Rocky, Creed a débuté en trombe avec un solide premier épisode, avant de manquer de punch pour le second. Il fallait bien, un jour ou l'autre, que Sylvester Stallone, le coeur du projet depuis ses débuts, quitte la franchise. C'est chose faite alors qu'il n'apparaît ni comme acteur, réalisateur ou scénariste du troisième volet (seulement comme producteur). Une décision qui permet à la série de renaître.
Ce n'est pas nécessairement perceptible sur le plan scénaristique. Il s'agit, comme toujours, d'une histoire à propension biblique, mythologique ou shakespearienne. Cette fois sur deux anciens amis qui se considéraient comme frères et qui doivent s'affronter dans le ring. Adonis (Michael B. Jordan) et Damian (Jonathan Majors) ont grandi ensemble. Alors que le premier est devenu champion de boxe, le second a purgé 18 ans de prison. Une fois à l'extérieur, il compte bien rattraper le temps perdu... Un peu plus et on se croirait devant Warrior, cette tragédie sportive qui n'a pas obtenu le succès escompté.
Le film écrit par Keenan Coogler (Space Jam: A New Legacy) et Zach Baylin (King Richard) alterne entre les passages obligés comme les séances d'entraînements et ceux où il aborde les zones d'ombres de ses personnages. Le charismatique Adonis a bien quelques failles, sauf que ce sont celles du ténébreux Damian qui s'avèrent nettement plus intéressantes. Voilà un individu sombre et complexe que défend avec conviction l'excellent Jonathan Majors (probablement le seul point positif du dernier Ant-Man). Même quand le récit prend des détours plus douteux et qu'il n'ose pas explorer à fond plusieurs de ses thèmes (tels les dérivés de la masculinité), on pourra toujours compter sur un «méchant» sophistiqué.
Le long métrage utilise d'ailleurs la boxe comme métaphore des combats quotidiens. Le temps passé hors du ring pourra surprendre tant les mots semblent parfois plus importants que les poings. Cela donne des conversations généralement intéressantes sur la condition humaine... mais également des moments beaucoup plus sentimentaux et appuyés sur la famille. Par exemple, le héros a une fille sourde de naissance et il compte bien l'entraîner, ce qui sera sûrement l'objet d'une suite ou d'un dérivé.
En attendant, la création se révèle particulièrement dynamique lors des séquences d'affrontements. Surtout sur un écran IMAX, qui élève la force de frappe des situations. Pour sa première réalisation, Michael B. Jordan a bien appris de son mentor Ryan Coogler (les deux Black Panther, le premier Creed) tout en forgeant son propre style. S'il a vu ses classiques comme Raging Bull et Ali, il se détourne volontairement du réalisme pour embrasser une énergie plus près des mangas et des animes, de Naruto à Ippo. Cela s'exprime particulièrement lors de la finale, excitante à souhait.
Creed III ne révolutionne en rien la franchise. Il permet toutefois de la pousser dans ses retranchements sans que le spectateur ait trop l'impression qu'on allonge inutilement la sauce. Comme conclusion d'une trilogie, il s'est fait bien pire. L'important, c'est seulement savoir s'arrêter avant l'épisode de trop.