Les écrits de meurtres et mystères d'Agatha Christie fascinent. Qu'on les adapte ou qu'on s'en inspire fortement, le cinéma lui rend souvent hommage, surtout en 2022. Après la tiède transposition de Death on the Nile de Kenneth Branagh et le réjouissant Bodies Bodies Bodies qui conservait l'esprit de la romancière pour mieux le transférer au goût du jour, c'est au tour de See How They Run de s'y frotter.
L'action débute en 1953 à Londres, pendant la représentation de la pièce The Mousetrap qui allait battre des records de longévité. Alors que le cinéaste (Adrien Brody) qui devait en assurer l'adaptation cinématographique est assassiné, deux représentants de la loi (Sam Rockwell et Saoirse Ronan) mènent l'enquête, suspectant des gens qui gravitent autour de la production.
L'introduction donne rapidement le ton. Une voix hors champ qui semble s'échapper d'un film noir annonce que quiconque a déjà vu une fois ce type de récit (le «whodunit» où l'enjeu est de trouver le coupable) les a tous vus. Il n'y a donc rien à prendre au sérieux dans ce long métrage qui se la joue méta, se vautrant délibérément dans les clichés et les lieux communs les plus éculés. Cela débute en trombe avec la mort cruelle d'une star (Adrien Brody, en clin d'oeil au meurtre sauvage de Drew Barrymore dans le premier Scream), la multiplication des fausses pistes et d'ellipses inutiles, le bris du quatrième mur, etc.
Tout cela s'avère bien divertissant. Le scénario paye hommage aux classiques du genre tout en utilisant la mise en abyme entre la pièce The Mousetrap d'Agatha Christie et l'histoire fictive de See How They Run. Il y a même une méditation ironique sur la création (cinématographique, théâtrale, littéraire), l'écriture, le jeu d'acteur, de réalisateur et de producteur.
Dommage qu'on reste autant en surface. La démonstration mécanique relève plus du simple procédé - par exemple, cette redondante façon de séparer l'écran - alors qu'elle aurait dû être plus incarnée. Les moments humoristiques tombent trop souvent à plat et le suspense s'avère inopérant. L'ensemble cherche tellement à être ludique et décontracté qu'il manque de naturel.
Pour sa première réalisation au cinéma, Tom George n'hésite pas à offrir une mise en scène volontairement artificielle, plutôt élégante, qui peut lorgner celles de Wes Anderson. Cela se répercute au niveau des décors et des costumes, de la recréation d'époque qui ne manque pas de glamour. Ce n'est toutefois pas suffisant pour occulter ce rythme en demi-teinte et le ton trop verbeux.
La prestigieuse distribution qui comprend Ruth Wilson (de la série The Affair), David Oyelowo (Selma) et Harris Dickinson (Beach Rats) dans la peau du grand Richard Attenborough (le grand-père dans Jurassic Park) est sous-exploitée. C'est lorsque le script s'éloigne de l'intrigue à numéro que les interprètes trouvent des éléments à se mettre sous la dent. C'est le cas de cet irrésistible duo dépareillé formé de Sam Rockwell (Moon), délicieux en inspecteur apathique, et de Saoirse Ronan (Lady Bird), fabuleuse en recrue naïve.
Sans nécessairement ennuyer, See How They Run n'arrive jamais à remplir toutes ses belles promesses. Son désir d'être original, second degré et hors norme le rend d'autant plus classique et prévisible, n'exploitant que sommairement son large potentiel. Dans un genre similaire, Knives Out s'avérait bien supérieur.