Colossal est un film d'auteur audacieux et intelligent. Le drame de série B nous propulse dans un univers à la fois fantastique et profondément réaliste, voire morose. Le réalisateur et scénariste espagnol Nacho Vigalondo nous propose là une satire sociale qui ne manque pas d'originalité, une fable allégorique sur les ravages que peuvent causer nos démons intérieurs s'ils sont mal domptés.
L'histoire - celle d'une femme qui contrôle un monstre géant responsable d'un carnage dans la ville de Séoul - nous est présentée avec sensibilité et diplomatie. Malgré l'absurdité de la trame, le cinéphile perçoit rapidement la métaphore de l'auteur et se laisse entraîner sans peine dans cette satire sociale. Certains espèreront peut-être une symbolique plus tangible et des référents moins chimériques, mais le réalisme n'est pas le point de mire du réalisateur. Il faut savoir voir plus loin que le premier niveau dans Colossal.
Anne Hathaway fait du bon travail dans le rôle de l'héroïne, une trentenaire alcoolique qui s'efforce de prendre sa vie en main et de faire les bons choix. Jason Sudeikis livre, quant à lui, la performance la plus mémorable. Celui qu'on a l'habitude de voir dans des rôles de bouffons dans les comédies américaines interprète ici un homme désabusé, rancunier, jaloux et malveillant qui est prêt à tuer des innocents pour que ses démons intérieurs cessent de le tourmenter. L'acteur possède une folie dans l'oeil qu'on ne lui avait jamais vu dans aucun rôle auparavant. Sa fureur et son ressentiment finissent par nous mettre mal à l'aise; preuve tangible de son talent d'interprète.
Nacho Vigalond n'abuse pas des séquences d'humour dans son film, mais ces quelques moments comiques - ou ces clins d'oeil amusants - apportent un rythme différent à l'oeuvre et adoucissent considérablement la rigueur du sujet. Le film renferme tout de même certaines longueurs. Cette histoire aurait pu nous être dépeinte dans un court métrage de 20 minutes, l'heure cinquante que dure le film est donc parfois laborieuse. Heureusement, la brillante conclusion vient panser notre ennui. Dans ce genre de production allégorique, la finale a une importance d'autant plus grande que dans une oeuvre de fiction conventionnelle. Ici, l'histoire est bouclée de belle façon, avec adresse et profondeur.
Il faut mentionner que le film d'auteur a été traduit en France. Donc, ceux qui iront voir la production en version française devront être prêts à entendre Anne Hathaway et Jason Sudeikis abuser des expressions « du coup » et « carrément ». On vous avertit, ça fesse plus que les monstres qui détruisent Séoul!
Colossal est un peu un intrus dans l'offre cinématographique actuelle, mais, parfois, un bon petit film métaphorique de monstres, ça fait du bien...