C'est une divertissante mais consensuelle histoire d'une libération féminine qui est racontée dans le film Colette.
Avec sa série de bouquins Claudine, Colette est sans aucun doute l'auteure francophone la plus populaire du début du 20e siècle. Écrits par Gabrielle Colette (Keira Knightley), ses romans ont d'abord été attribués à son époux (Dominic West), époque conservatrice oblige. Jusqu'au moment où l'auteure a cherché à s'émanciper de sa condition...
Un grand soin technique a été apporté à cette biographie fictionnelle. De la photographie aux costumes, en passant par les décors et les coiffures, la production ne manque pas de faste et d'éclat, transformant parfois les images en de véritables toiles. À tel point que la recréation finit par peser sur la première partie de la production, prévisible et surannée au possible. Une romance exacerbée souffle sur l'effort, noyé par des mélodies poussives. Les conventions roucoulent, au même titre que la poussière qui s'accumule, et on se met très vite à regretter A Quiet Passion de Terence Davies et Violette de Martin Provost, deux anti biopics nettement plus aboutis et hors norme sur des romancières d'exception.
Le récit finit heureusement par se replacer à mi-chemin, où le couple - d'un commun accord - se livre à des séances de libertinage. Pour une très rare fois dans sa carrière, le cinéaste Wash Westmoreland (Still Alice) ose l'humour, qui lui va comme un gant. Les scènes, plus coquines que osées, se développent comme des saynètes légères, ce qui donne des envolées sympathiques malgré le puritanisme en place. Il n'y a rien de très transcendant au sein de sa réalisation, si ce n'est une multitude de jeux de miroirs entourant l'héroïne, dont un double de Colette dans une élégante mise en scène de nature théâtrale.
Comme toujours lorsqu'elle arbore un costume vieillot, Keira Knightley est juste et éloquente. Sans égaler ses meilleures performances (que sont probablement Atonement et Pride and Prejudice), ce personnage lui permet d'explorer une part insoupçonnée de son talent. Improbable sur papier, le duo qu'elle forme avec Dominic West fonctionne, car ce dernier a suffisamment d'espace et de temps pour se faire valoir. Ce qui n'était pratiquement jamais arrivé au cinéma pour cet immense acteur de télévision.
Le scénario de Westmoreland, de son défunt partenaire Richard Glatzer et de Rebecca Lenkiewicz (qui a coécrit le magistral Ida) aurait cependant pu être plus affûté. Il baigne dans les lieux communs, démontrant simplement une situation au lieu de l'incarner. Puis il y a cette propension à tout voir avec des lunettes d'aujourd'hui, simplifiant du même coup une certaine complexité inhérente à l'époque. Cette reconquête du pouvoir féminin et de l'identité littéraire est nécessaire, quoiqu'elle sente un peu le réchauffé et qu'elle arrive tardivement (surtout après les similaires Mary Shelley et The Wife qui ont récemment pris l'affiche). Quant au rajout des préférences bisexuelles de la protagoniste, elles sont amenées de manière maladroite, répondant à un cahier de charges que l'on coche afin d'obtenir le plus de chances de remporter des prix en répondant aux critères de tolérance de 2018...
Malgré tout, Colette est une création de qualité, accessible et bien de son temps, qui regorge de mérites, autant sur le plan esthétique que de l'interprétation. C'est classique sans être trop lourd, suffisamment didactique pour que l'on souhaite redécouvrir cette grande romancière. Évidemment, un long métrage en anglais sur cette figure francophone, qui se déroule en sol français et où l'on voit directement à l'écran la langue de Molière est toujours un peu une aberration. Mais ça, c'est une autre histoire.