Les films sur la Seconde Guerre mondiale sont nombreux. Surtout ceux qui mettent en vedette des enfants. Coeurs vaillants arrive pourtant à sortir quelque peu du lot en embrassant une part fantasmagorique.
L'heure est à la fuite. Rose (Camille Cottin) a envoyé des oeuvres d'art du Louvre pour les dissimuler dans un château à l'extérieur de Paris. Elle en a profité pour cacher six enfants et adolescents juifs afin de leur éviter une mort certaine. Fuyant les troupes allemandes, le petit groupe se retrouve dans la nature. Sans adulte, ils pourront, l'espace d'un moment, oublier les horreurs du quotidien et redevenir qui ils sont réellement.
Le long métrage annonce ses couleurs dès son plan d'introduction. C'est la subjectivité des enfants qui mène le bal, leurs regards uniques. Même si l'époque est à la guerre et à la violence, le rendu réaliste ne prend pas toute la place. Au contraire, il cède rapidement le pas aux visions oniriques propres aux contes. Celui de la forêt, de l'aventure et de l'inconnu qui procure mille surprises.
Il s'agit pourtant d'un récit d'initiation et d'apprentissage comme les autres. La rencontre de l'amour et de la mort sera évidemment au rendez-vous. Tout comme cette valse de sentiments contradictoires qui vont de la douleur à l'insouciance, de la perte à la liberté.
Pas moins de cinq personnes ont participé au scénario, ce qui n'empêche pas l'intrigue d'être prévisible à ses heures (surtout la conclusion) et les personnages de manquer de profondeur (bien que tous les enfants jouent dans la note).
Quelque chose se produit pourtant à mi-chemin, lorsque le suspense s'estompe et que la menace disparaît presque complètement. Les jeunes âmes renouent enfin avec leur enfance, évoluant dans un cadre sauvage et fantasmé. La façon de ne faire qu'un avec l'environnement et les animaux évoque Princesse Mononoké, alors que ce sentiment de résignation et de mélancolie rappelle la scène la plus triste de The Neverending Story. Des moments de poésie et de fulgurance qui s'échappent des conventions et des sentiers battus.
Capable du meilleur (Le hérisson) comme du pire (Les gazelles), la réalisation de Mona Achache apparaît en belle forme. Elle module régulièrement l'énergie de sa création, qui aurait pu rapidement tomber au neutre. Elle soigne constamment sa photographie en l'élevant par une riche utilisation des couleurs. Puis elle peut compter sur une trame sonore vivifiante de Benoît Rault, qui n'est pas sans rappeler les mélodies organiques de Nils Frahm. Rien de spectaculaire ou de transcendant, sauf qu'il s'agit d'un travail parfaitement adapté au contexte en place.
Les quelques comédiens connus s'éclipsent au profit des enfants : les véritables vedettes de l'histoire. Swann Arlaud (Perdrix, Petit paysan) fait bonne figure même si on le voit trop peu. Presque toujours une cigarette au bec, Camille Cottin rappelle qu'elle est une des grandes actrices caméléons de sa génération, se glissant avec autant d'aisance dans des productions locales (Chambre 212, Les éblouis) qu'internationales (Stillwater, House of Gucci).
Sans doute que Coeurs vaillants ne marquera pas les esprits comme d'autres classiques du genre (le plus éclatant étant sans doute Jeux interdits de René Clément). Mais il arrive à charmer et à émouvoir sans verser dans la farce et le cynisme (on est loin de Jojo Rabbit), rappelant que la simplicité a parfois bien meilleur goût. Surtout lorsqu'elle lorgne le merveilleux enfantin.