Devant prendre l'affiche en 2020, mais repoussé à cause de la pandémie, avant qu'un petit film américain portant le même titre remporte les plus grands honneurs à la dernière cérémonie des Oscars, le long métrage québécois Coda sort finalement au Québec.
On y suit le quotidien de plus en plus délicat et difficile d'Henry Cole (Patrick Stewart), un pianiste réputé frappé de trac. Des échanges réguliers avec une journaliste (Katie Holmes) qui espère écrire un portrait de lui l'aident à retrouver ses moyens. Tout comme un séjour réparateur en Suisse.
Réalisé par Claude Lalonde (scénariste notamment de 10 1/2 et Les 3 p'tits cochons) sur un scénario de Louis Godbout (Mont Foster, Les tricheurs), ce long métrage qui a été tourné en partie à Montréal est d'une sobriété exemplaire. Le ton est à la méditation et non aux émotions intenses, ce qui peut expliquer une certaine froideur et distanciation du spectateur face à ce qui arrive.
Mis en scène avec soin, mais de façon un peu trop impersonnelle, le récit joue d'ellipses inégales. On semble favoriser les épreuves du héros vieillissant, ses doutes et ses errances au détriment de sa rédemption. La nature joue pourtant un rôle important, obligeant les âmes à reconnecter avec l'essentiel. Surtout que l'environnement suisse - le même que le Clouds of Sils Maria d'Olivia Assayas - et la superbe photographie élèvent constamment l'esprit.
Traînant parfois en longueur même s'il semble ironiquement incomplet, le film appartient complètement à Patrick Stewart. Débarrassé du carcan de la science-fiction (de ses rôles dans Star Trek et X-Men), l'acteur britannique offre l'une de ses plus belles compositions depuis des lustres. Son jeu austère et intériorisé tout en sous-entendus rappelle celui d'Anthony Hopkins dans le magnifique The Remains of the Day. Il véhicule beaucoup de choses à partir de petits riens, formant même un duo attachant avec la lumineuse Katie Holmes.
La musique qui s'échappe de son piano et qui est interprétée par le pianiste ukrainien Serhiv Salov agit comme un baume sur les plaies. Les pièces de Beethoven, Bach, Schumann et compagnie bercent de beauté le quotidien, rappelant la sensation d'être en vie. Des effets spéciaux élaborés donnent une aisance au montage, où le comédien semble littéralement jouer de son instrument.
Un peu moins de clichés n'aurait sans doute pas fait de mal à cette honnête création, qui manque d'éclat ici et là. L'ensemble prévisible et l'abus de narration finissent par lui donner un rendu quelque peu académique. Pourtant derrière ses conventions se cache une oeuvre riche et porteuse de sens, nécessaire dans ce qu'elle raconte. Elle offre surtout l'occasion à l'excellent Patrick Stewart de jouer autre chose, renouant avec ses racines shakespeariennes au lieu de se perdre dans l'espace et le multivers.