Long prologue à un destin qu'on devine palpitant, ce Coco avant Chanel s'avère être une bien faible tentative d'explication du mythe derrière l'une des plus importantes marques de la mode présentement. Or, ce « promis à un grand avenir », qui fait pourtant souvent des très bons films, est complètement occulté, inutile dans une trame narrative qui pourrait être anonyme, c'est-à-dire être l'histoire d'amour de n'importe qui, tout le monde et personne à la fois. Or, Gabrielle « Coco » Chanel, ce n'est ni tout le monde, ni personne, ni n'importe qui, du moins aura-t-on voulu croire.
Gabrielle « Coco » Chanel et sa soeur Adrienne chantent dans une brasserie obscure où elles font la rencontre d'Étienne Balzan, un riche éleveur de chevaux. Développant pour l'homme une certaine affection, elle emménage chez lui et participe à ses divertissements bourgeois. Refusant obstinément d'obéir à la mode féminine du temps, elle se confectionne robes, pantalons et chapeaux plus confortables et attire l'attention d'une actrice qui la fait connaître au Tout-Paris.
En s'intéressant à cette partie bien monotone de la vie de Coco - qui ne veut, finalement, que porter des pantalons et se faire vivre par un bourgeois déplaisant (bravo le féminisme!) - on rate l'intérêt principal de son histoire à aucune autre pareille : la libération de la femme, son émancipation. Au crochet d'un homme qui l'entretient en échange de sexe, la pauvre Coco est prisonnière de la richesse des autres, travaille dans un atelier payé par un autre, vit chez un autre et pour les autres. C'est loin d'être une histoire inspirante, d'autant que le film s'intéresse très peu à sa véritable carrière.
Si Audrey Tautou a toujours son charisme caractérisque et que Benoît Poelvoorde, acteur talentueux lorsque bien dirigé, est assez efficace, on ne peut s'empêcher de les imaginer si leurs personnages étaient à la hauteur de la légende. Si on avait l'impression qu'ils influencent le cours de l'histoire, ils seraient véritablement passionnants. Mais leur romance de chambre à coucher n'a rien de spécial, et ils impressionnent peu.
Refusant obstinément la confrontation et les emportements, le film est consensuel et offre une romance à l'eau-de-rose de laquelle les acteurs, expérimentés, s'acquittent sans effort et sans passion. D'autant que la réalisation mortellement conventionnelle ajoute de la lourdeur bien inutile à l'accumulation maniérée de bons sentiments tels l'amour, le vrai amour, et l'amour vrai. Assez répétitif, d'autant que l'efficacité dramatique laisse aussi à désirer, un peu à l'image de La vie en rose, qui offrait à Edith Piaf le même genre de biopic flagorneur.
Anecdotique, Coco avant Chanel aurait pu être une série de livres pour enfants : Coco à l'orphelinat, Coco au cabaret, Coco à la plage, etc. Il ne s'en serait pas plus mal tiré. Tautou, jalouse, peut-être, de Marion Cotillard, s'offre un rôle d'importance dans un film sans véritable ambition qui n'est pas à la hauteur de la légende dont il tente de faire le portrait. Simple constatation.