Avec l'intention ferme d'être re-cité aux Oscars, le duo Howard-Crowe présente un film biographique sur la vie du boxeur des années 30 Jim Braddock. Le réalisateur et la vedette principale du très-primé A Beautiful Mind refont même équipe avec le scénariste Akiva Goldman, auteur de ce dernier et le producteur Brian Grazer…c'est tout dire.
La prestation de Russell Crowe, précédé de sa réputation, est effectivement très prenante. Entre son rôle de père attentionné et de boxeur, son Braddock a l'allure d'homme du peuple qui a fait sa renommée. S'il se bat d'abord pour nourrir sa famille, Braddock devient l'inspiration d'un peuple affecté par la terrible dépression économique du début du siècle. Sa présence physique illumine l'écran, même s'il ne semble pas s'être complètement détaché de ses rôles précédents. Il vole littéralement la vedette à une Renee Zellweger complètement hystérique et peu nuancée. Pourtant, Paul Giamatti, dans le rôle d'un entraîneur magnanime, est plus captivant, plus déconcertant, plus surprenant que Crowe. Tous les deux font preuve d'une grande maturité dans un film au rythme incertain.
Dans une finale classique, où tous les espoirs sont permis jusqu'à ce que le héros s'effondre et fasse douter de tout - pour revenir en force - les mythes fondateurs de la famille, de la religion et de la quête individuelle se rejoignent pour encourager l'aspect sentimental du sujet, où il faudrait voir un homme qui se bat pour tous les travailleurs et non pour son profit personnel. C'est un peu trop demander.
Ce n'est pas la première fois que le contexte historique justifie la production d'un film, et ce n'est pas la dernière fois non plus. Cette fois-ci, cependant, Howard rate une belle chance de dépeindre le mal d'un peuple, et préfère se concentrer sur les petites misères d'une simple famille. Dans un monde trop simplifié, Howard réduit le succès à une opposition chance/malchance où ceux qui combattent le système meurent misérablement, et ceux qui combattent les autres sortent grands vainqueurs. Les autres, bien sûr, sont condescendants, impolis et de petite vertu, question de justifier leur défaite. Ce sont les bons qui gagnent toujours.
Le portrait de Ron Howard est désintéressé, accablant de simplicité et manichéen. Il filme des combats saisissants – incluant la prédominance des flashs photographiques tellement caractéristique de l'époque et les ralentis qui s'y rattachent – mais ne semble jamais saisir les moments hors du ring. Il pose un regard académique, conventionnel, rassurant et saturé d'émotivité qui, il faut bien l'admettre, fonctionne, sans partager vraiment une passion ni pour Jim Braddock, ni pour ses déveines financière et sportive. Certains moments sont même théâtraux, d'autres tout simplement stéréotypés. Son rapport avec la boxe est probablement l'aspect le plus réussi du film, la seule chose dont il semble saisir complètement la complexité. Un sport qui plaît à cause de sa brutale douceur, comme Cinderalla Man, le film, aurait dû.
Si les relations de Braddock avec ses enfants sont efficaces sur le plan émotif, elles ne sont guère plus que des chroniques grand public, des preuves que Howard sait encore faire son travail de conteur. Commercialement, le film plaira certainement, arrachera peut-être même quelques larmes, mais ne marquera ni l'histoire, ni les gens comme a pu le faire Jim Braddock.
À défaut de faire grande impression, Cinderella Man donne quelques bons coups ; surtout ses acteurs, sa force émotive et sa maîtrise technique indéniable. Pourtant, l'arrière-goût de propagande en fait une simple impression qui, une fois les photographes passés, retournera dans le territoire de la mémoire et du souvenir, de l'impression.
La plus récente collaboration Howard-Crowe marque des points techniquement mais, un peu comme des photographies, ne laisse que des impressions, des gribouillages, d'autant que le portrait d'ensemble est grossièrement effleuré.
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