Qui était le véritable Rocky, l'homme qui a inspiré le personnage mythique des films de Sylvester Stallone? Il s'agirait de Chuck Wepner (Liev Schreiber), un boxeur qui a connu une certaine célébrité au milieu des années 70 pour s'être battu contre Mohammed Ali.
Et qui de mieux pour l'incarner que Liev Schreiber, la brute de Salt et de Goon qui a déjà pratiqué ce métier dans la populaire série Ray Donovan. L'acteur qui s'est fait connaître en méchant ambigu dans la série Scream est parfait dans le rôle-titre. Malgré ses gaffes et son tempérament de cochon, on s'attache rapidement à ce looser magnifique. Une certaine sensibilité se dégage de son jeu et il est entouré d'une distribution presque sans faute, qui comprend Elisabeth Moss, Ron Perlman et Naomi Watts.
Le comédien ne peut toutefois rien face au caractère anecdotique du scénario. Le long métrage très conventionnel et académique dans son traitement présente les hauts et les bas de son existence. Un canevas qu'on a déjà vu mille fois et qui ne réserve aucune surprise. On sent même une préséance des clichés dans les situations et les dialogues, à commencer par cette omniprésente voix hors champ qui plagie certains classiques de Martin Scorsese. Après une intéressante entrée en matière, le récit plafonne rapidement, s'essayant un peu maladroitement à la satire de la célébrité instantanée. Le rire et l'émotion sont toutefois rares et dans un genre similaire, le Boogie Nights de Paul Thomas Anderson avait beaucoup plus à offrir.
Parce que Chuck (qui s'appelait précédemment The Bleeder... alors que c'est Outsider en France) n'est pas véritablement un film de boxe. Il utilise ce sujet - tout en multipliant les hommages directs au solide Requiem for a Heavyweight - pour explorer la nature humaine. Il le fait toutefois dans la facilité en demeurant constamment en surface. N'importe qui peut combiner Walk the Line, The Wrestler et The Fighter; il faut seulement avoir une vision distincte. C'est ce qui manque cruellement à cet effort divertissant, mais vite oublié. Plusieurs productions comme The Set-Up et évidemment Raging Bull ont effectué une telle démarche tout en marquant leur art.
Le cinéaste québécois Philippe Falardeau fait néanmoins tout pour diriger le regard du spectateur ailleurs. Sa reconstitution d'époque soignée, son désir de véracité (notamment dans la façon de parler des personnages), sa mise en scène compétente et son éclatante trame sonore forcent l'admiration. Il a véritablement sué derrière la caméra sans pour autant y apporter son sceau comme le fait Denis Villeneuve. Son plus grand talent est toutefois celui de scénariste. C'est ce qui faisait tout le charme de Congorama, La moitié gauche du frigo et Monsieur Lazhar. Il n'a pas eu le contrôle ici (tout comme sur A Good Lie, son autre aventure américaine quelconque) et c'est vraiment le jour et la nuit avec son récent Guibord s'en va-t-en guerre qui était beaucoup mieux écrit.
Tenant plus de la note de bas de page, Chuck peine à convaincre malgré le travail appliqué de Philippe Falardeau et de Liev Schreiber. C'est techniquement soigné, généralement sympathique... mais c'est également souvent vain et parfaitement prévisible. L'ensemble aurait mérité un peu plus de punch.