Difficile lorsqu'on parle d'érotisme et de sensualité de ne pas tomber dans les clichés traditionnels ou d'outrepasser les principes de la morale fondamentale. Le Chloe d'Atom Egoyan, malgré l'omniprésence de la sexualité et du désir charnel, parvient à rester pudique et respectueux envers ses personnages et leur individualité. La confiance mutuelle, que chacun aspire à conserver et qui régit inconsciemment les comportements, est la ligne directrice d'un récit saisissant sur la peur, l'amour, l'attachement et le pouvoir de quelques présomptions. Bien que les dernières minutes condamnent le film à l'étiquette d'oeuvre « respectable », l'honnêteté du jeu des acteurs, la finesse de la direction photo et l'ambiance dramatique bien établie dès les prémices méritent tout de même une considération particulière.
Catherine, une gynécologue reconnue, doute de la fidélité de son mari. Un soir dans un restaurant, elle rencontre une jeune prostituée, nommée Chloe. Catherine engagera cette dernière pour qu'elle séduise son époux et lui donne un compte-rendu sur ses réactions subséquentes. La médecin doutera bien vite de l'efficience d'une telle technique et des répercussions sur son couple. Comble du malheur, Catherine, dépourvue de contacts physiques avec son mari, commencera à avoir de l'attirance pour Chloe.
On débute le récit en banalisant la sexualité, nous proposant en amorce qu'un orgasme n'est qu'une contraction de plusieurs muscles simultanément, rien de plus qu'une réaction physique négligeable. Les protagonistes ont tous une relation plus au moins assumée avec l'amour (qui plus est, la sexualité) et la confiance. Tous ont une opinion différente sur leurs valeurs intrinsèques, sur leurs véritables teneurs - la femme gynécologue qui doute de son mari séducteur, la prostituée lascive qui enchaîne les relations platoniques et l'adolescent qui subit sa première rupture.
La plupart des scènes, même les plus suggestives, sont - à l'image de Fatal Attraction -, filmées avec beaucoup de respect, de subtilité et d'admiration pour le corps humain. Jamais les séquences d'érotisme ne sont inutiles à la narration, elles ont toujours leur raison d'être, leurs justifications et s'avèrent très efficaces dans le contexte d'attirance et de jalousie auxquelles les personnages féminins principaux sont contraints. Les performances de Julianne Moore et d'Amanda Seyfried sont étonnantes, même si, à certains endroits, on a l'amère impression de voir la jeune fille de Mamma Mia! déguisée en prostituée (son visage et son regard trop pur déconcertent). Liam Neeson est aussi très compétent dans le rôle du séducteur invétéré.
Les dernières minutes du long métrage, qui se dirige nonchalamment vers un dénouement prévisible et grotesque, brisent cette atmosphère passionnelle si bien tenue depuis l'amorce. Peut-être est-ce l'aspect de suspense qui, étant moins développé que le stupre, nous semble précipité vers la fin du récit. En revanche, même lors de ces instants qui compromettent le résultat final, une direction photo remarquable et une réalisation rigoureuse témoignent de l'expérience du maître d'oeuvre et de sa conscience du genre humain, de sa fragilité.
Atom Egoyan prouve une nouvelle fois qu'il comprend toutes les nuances de son art et sait les transmettre adroitement à son public. Lorsqu'il n'y a plus de confiance, tout s'écroule, même ce que l'on croyait vrai et immuable, mais ce sera une autre fois que ma confiance en le talent d'Egoyan s'éteindra.
Bien que les dernières minutes condamnent le film à l'étiquette d'oeuvre « respectable », l'honnêteté du jeu des acteurs, la finesse de la direction photo et l'ambiance dramatique bien établie dès les prémices méritent tout de même une considération particulière.
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