Steven Spielberg n'avait pas réalisé de film depuis 2008 - le très négligeable Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull; même War of the Worlds, sorti en juin 2005, était assez inoffensif dans la carrière du plus important réalisateur américain - et voilà qu'il en présente deux dans le même mois. Quelques semaines après The Adventures of Tintin, voilà War Horse, un film aux accents épiques qui s'inscrit parfaitement dans la logique spielbergienne du cinéma, tant au niveau de ses thématiques que de son ampleur narrative et technique. Si on ne reconnaissait pas nécessairement l'homme derrière la caméra dans The Adventures of Tintin, on ne peut s'y tromper cette fois-ci, Spielberg est de retour.
Et en force. Le récit grandiose de cette amitié entre un jeune garçon de la campagne anglaise et un cheval a de tout : du danger, du courage, de l'humour, etc. C'est la définition même de la fresque cinématographique. Le maître de l'euphémisme y est en pleine possession de ses moyens : manoeuvrant à travers les impératifs du mélodrame et les complexes retournements d'un scénario chargé, Spielberg construit une histoire à la fois touchante et exaltante suffisamment édulcorée (la scène de l'exécution) pour s'adresser à toute la famille. La tension y est forte et les personnages généralement bien cernés, ce qui permet de partager et de ressentir leurs émotions.
Bien sûr, à 2h25, War Horse est trop long. Les nombreuses séquences n'ont pas toutes le même intérêt et on ressent plusieurs essoufflements entre les messages de paix et les messages de guerres portés par le cinéaste, qui semble vouloir plaire à tout le monde. Un instant, on dévalorise la notion de héros de guerre (soulignant avec justesse l'aspect « meurtrier » d'un tel héros) et de l'autre, on magnifie le sacrifice lié au patriotisme. Cette confusion désarçonne, mais empêche le film de verser dans la bête propagande; comme si les deux idées s'annulaient et qu'il ne restait à l'équation que les qualités cinématographiques.
Vrai qu'on ressent un certain malaise de voir un soldat réclamer des soins pour son cheval alors qu'une centaine d'hommes sont soignés dans un hôpital de fortune au front, mais le film ne s'en formalise pas. Les spectateurs non plus, sans doute. Cet étrange mécanisme au cinéma qui fait qu'on s'inquiète davantage de la survie d'un cheval (ou d'un chien) que de celle d'un homme... Mais les qualités cinématographiques sont fortes et adaptées au film que War Horse s'était donné le mandat d'être : une oeuvre universelle pour large public.
Comme à son habitude, Spielberg maîtrise les éléments techniques du cinéma - dont les sublimes directions artistique et photo - pour construire les qualités de son film. On ne l'avait pas vu aussi apparemment passionné par un sujet depuis longtemps. Depuis le dernier moment marquant de sa carrière, peut-être? C'était Munich, fin 2005 - il y a six ans de cela. Son dernier « grand » film? Saving Private Ryan, en 1998. En ce sens, il est agréable de retrouver un Steven Spielberg aussi à l'aise et aussi confiant. Sa fresque est trop longue, mais elle est portée par une passion qu'on sent renouvelée par le récit. Cela fait une grande différence face à ses récents projets.