La profusion de jeux de mots culinaires que vous lirez dans les textes autour de Chef, le plus récent film de Jon Favreau, met en lumière les étranges liens entre le cinéma et la nourriture (du moins, dans leur appréciation). On parle « d'ingrédients », de « recette », de « saveur », de « bon goût », on dit que c'est « indigeste ». Vous lirez sans doute que ce film « donne faim », et « qu'il vaut mieux ne pas aller le voir l'estomac vide » (LOL, il n'y a pas grand-chose qu'il vaut mieux faire l'estomac vide)! L'acte de cuisiner est aussi de plus en plus considéré - à juste titre - comme un geste artistique. Dans les deux cas, il y a de grands maîtres à étudier, des classiques à réinventer...
Il y a aussi une idée centrale autour de l'appréciation de la cuisine, qui est celle du réconfort. La satisfaction, très simple, d'avoir bien mangé, sans que ce soit exagérément compliqué. La qualité dans la simplicité. Chef laisse aussi cette satisfaction. Feel-good movie dans la plus pure tradition, le long métrage du réalisateur d'Iron Man et de Elf ne révolutionne rien - au contraire, il se fait même l'avocat d'un retour aux sources, à l'inspiration - mais s'applique plutôt à bien faire les choses.
La réussite du film réside dans ses interprètes, tous outrageusement charismatiques (Chef tient, en ce sens, de la science-fiction), de Favreau lui-même qui s'offre un rôle de « réalisateur » bien intentionné détruit par une critique assassine (y voit-on un sous-texte sur Cowboys and Aliens?) à Sofia Vergara, en passant par John Leguizamo et Scarlett, pourtant limitée à un tout petit rôle. Le jeune Emjay Anthony s'avère charmant lui aussi. Ils contribuent tous, par leur jeu enjoué, à rendre le film encore plus simple et plus réconfortant.
Car ce sont ici des sentiments positifs que l'on évoque : une relation père-fils compliquée mais bien intentionnée, deux anciens époux qui s'entendent bien, des amitiés à toute épreuve, de la confiance. Pratiquement aucun drame, et certainement pas de pathos. Chef se concentre sur les choses positives, sur les solutions, sur la bonne foi des gens. Le tour de force est d'avoir rendu tout ça cohérent (mangeable?) en évitant généralement d'en faire trop, exception faite d'une finale miraculeusement apaisante, un happy end aussi inutile que démesuré.
Dans son traitement cordial des relations interpersonnelles, Chef fait preuve de beaucoup d'esprit et de profondeur. Il y règne une chaleur humaine qu'on ressent véritablement, grâce au travail minutieux et respectueux de Favreau, qui n'évite toutefois pas les longueurs. Il a aussi la qualité rare de se servir des clichés à bon escient, préférant les contourner plutôt que de simplement en créer d'autres en voulant éviter les premiers à tout prix. Le récit est attendu, les leçons peu subtiles, et pourtant, on vit les péripéties avec une bonne humeur renouvelée.
Un peu trop long? Oui. Un peu trop quétaine vers la fin? Aussi. Mais Chef est surtout très charmant et totalement inoffensif. Ou faut-il dire réconfortant?