Oeuvre monumentale aux prétentions non moins démesurées, ce film biographique est fait sans le moindre compromis : plus de quatre heures de film, un récit qui couvre plus de dix ans de la vie mouvementée d'Ernesto Guevara, dit le « Che », le type qui a ouvert une compagnie de t-shirts avec sa face dessus à Cuba, si je ne m'abuse... Ce type, donc, portant la barbe et fumant le cigare, avait des amis tout aussi barbus, et ensemble ils ont fait une révolution. Il en est aujourd'hui le plus fort symbole (depuis qu'on a vu Castro en pantalons de jogging, en fait), et le film tente, par des moyens cinématographiques, d'en saisir toutes les complexités. On est aussi loin du documentaire que du film propagandiste, alors que Soderbergh réalise un film responsable mettant à l'avant-plan les notions de révolution et de sacrifice où aucune complexité de l'être humain n'est négligée.
Benicio Del Toro, le véritable joyau de ce film, dégage par sa simple prestance une force intérieure digne de l'aura du « Che ». Un très grand rôle pour un très grand comédien. Le personnage n'est pourtant pas faussement « inspirant » comme ils le sont dans la plupart des biopics. Ce sont les idées d'engagement et de dévotion qui sont véhiculées par le personnage, qui ne refuse aucun sacrifice pour le bien de la cause, qui semble gêné par son statut d'icône vivante et qui, d'un peu maladroit au début, devient un véritable leader. Sans doute l'une des évolutions de personnage les plus crédibles du cinéma récent. Faut dire que le matériel était là.
Avec ses flashbacks et cette pause au milieu, Che est conçu comme les meilleures séries-télé; palpitant, juste assez mystérieux, recoupant plusieurs grandes histoires et de nombreux personnages secondaires. Encore une fois, le film n'hésite pas à prendre les grands moyens pour fonctionner, qu'il s'agisse de reconstitution ou d'un rapport à l'histoire qui refuse de nombreux raccourcis tout en refusant de s'installer dans une banale et rigoureuse chronologie.
Dommage que Soderbergh, niveau réalisation, se contente de peu. Sa caméra à l'épaule est ultra-prévisible et les combats, particulièrement dans la deuxième partie, deviennent redondants et interchangeables. On perd alors toute la finesse de la première partie tandis que le « Che », frappé de sévères crises d'asthme, s'enlise de plus en plus profondément dans une campagne bolivienne vouée à l'échec. La réalisation est si près, cependant, qu'on a l'impression de suer et de sentir l'odeur des cigares et des corps en décomposition.
Che n'est pas un film sur un États-Unien, il n'est donc pas construit sur le modèle des films hollywoodiens. Là où un autre s'arrêterait, le film se poursuit pour deux heures, répondant à la victoire par une inévitable défaite. C'est cette longue agonie qui vient diminuer grandement l'impact de l'oeuvre. Pourtant, on ne l'imaginerait pas sans, Che ne pourrait pas être qu'un seul film qui se terminerait bien. Parce que le « Che » est mort, qu'on a maintenant son visage sur des t-shirts et que tout le monde peut en acheter un.
On est aussi loin du documentaire que du film propagandiste, alors que Soderbergh réalise un film responsable mettant à l'avant-plan les notions de révolution et de sacrifice où aucune complexité de l'être humain n'est négligée.
Contenu Partenaire